Une réunion publique avec Viktor Dedaj, animateur du site Legrandsoir.info (LGS), a à juste titre été annulée à Paris il y a un peu plus d’une semaine en raison de la ligne éditoriale de son site, plus que complaisante avec l’extrême droite antisémite. A cette occasion, un commentateur d’Indymedia Bordeaux a posté en soutien à Dedaj un texte datant de juillet 2006 (repris sur LGS le 4 janvier 2009) dont ce dernier est l’auteur et intitulé « Les champs de Gaza n’ont jamais existé »1. Nous remercions ce commentateur, qui nous donne ainsi bien involontairement l’occasion de constater que le cas du Grand Soir est encore plus grave que nous – et d’autres – ne le pensions : non content de publier des textes de militants fascistes et négationnistes, il a à sa tête l’auteur d’un texte authentiquement antisémite2 . L’analyse de son texte est aussi une occasion de revenir sur les problèmes posés aujourd’hui par les notions galvaudées de « sionisme » et d’ « antisionisme », les enjeux sémantiques autour de ces deux termes rejoignant les enjeux politiques.
Déjà, le titre : « Les champs de Gaza n’ont jamais existé », référence claire, jusque dans la sonorité des mots, à l’affirmation des négationnistes : « Les chambres à gaz n’ont jamais existé », et qui prend son sens dans la conclusion du texte, qui compare les « sionistes » (avec toute l’ambiguïté que revêt ce terme chez Viktor Dedaj, comme nous le verrons, et c’est bien là le problème) aux nazis et aux négationnistes :
« Sionistes : […] Que raconterez-vous d’un air faussement naïf aux générations futures ? Que vous ne faisiez qu’obéir aux ordres ? Ou bien prononcerez-vous au contraire ces paroles fatidiques : « les champs de Gaza n’ont jamais existé » ? »
Cette comparaison de mauvais goût – qui ne peut être mise sur le compte de la seule satire puisqu’elle vient en conclusion de tout un texte aux relents nauséabonds – se situe dans la tradition de l’antisémitisme et du négationnisme adoptés par certaines franges de l’extrême gauche au nom de l’antisionisme, qui a rejoint sur ce thème la pire des extrêmes droites, par exemple au sein de La Vieille Taupe à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Un phénomène expliqué par l’historien Georges Bensoussan dans un texte datant de 19993 :
« Ce discours s’appuie sur un fait incontournable : la Shoah n’est évidemment pas à l’origine de la création de l’État d’Israël, mais elle lui a apporté un regain de légitimité morale. Le discours négationniste antisémite a rapidement compris que, pour délégitimer l’État juif, il fallait contester la portée, voire carrément nier la Shoah. C’est alors que convergent, venus d’horizons idéologiquement différents, sinon même totalement opposés, deux discours : en premier lieu, un discours antisémite et négationniste centré sur le vieux thème du « complot juif mondial » et qui va découvrir la portée de l’antisionisme. En second lieu, un discours antisioniste et antiraciste, centré sur le « complot sioniste mondial » et qui va découvrir, lui, le négationnisme voire, dans certains cas, l’antijudaïsme. On assiste, autrement dit, à un chassé croisé : le point d’arrivée des uns est le point de départ des autres, mais, dans les deux cas de figure, le « Juif Sioniste » finit par incarner la figure absolue du mal… »
Le texte de Dedaj relève bien de cette tradition antisioniste de gauche qui se laisse contaminer par l’antisémitisme, même si, comme nous le verrons, il n’a pas encore pleinement dérivé vers un négationnisme franc et assumé, ce qui lui permet de qualifier encore – pour combien de temps ? – le négationnisme de « paroles fatidiques », quand bien même c’est à travers une métaphore des plus douteuses.
Lors de la dernière Fête de L’Humanité, Viktor Dedaj et Maxime Vivas font risette un peu coincée à leurs fans venus se faire dédicacer leur ouvrage 200 citations pour comprendre le monde, préfacé par Jean-Luc Mélenchon, sur le stand de Cuba Si France. Sur le même stand, à quelques mètres d’intervalle, la rédaction au grand complet de Charlie Hebdo, un journal que nos deux rebelles ne portent pas dans leur coeur mais que leurs petits camarades de Cuba Si appellent « nos amis ».
La confusion Juifs/sionistes
Premier élément de discours antisémite récurrent dans son texte : sous l’appellation générique « sioniste », Dedaj qualifie aussi bien les crimes de guerre israéliens et la politique israélienne à l’égard du peuple palestinien (critiques légitimes) et les Juifs dans leur ensemble, par des références à la culture ou à la religion juive qui n’ont pas grand-chose à voir avec une critique du sionisme en tant que philosophie ou projet politique ou avec une critique de l’Etat d’Israël, ses deux sens légitimes. Cette confusion sionistes/Juifs, et singulièrement sionisme/judaïsme est typique des discours antisémites qui se cachent derrière l’antisionisme, ce que nous appellerons les antisionistes antisémites.
Or, rappelons un truisme : tous les Juifs ne sont pas sionistes et tous les partisans du sionisme ne sont pas Juifs (le sionisme étant compris ici dans l’un ou l’autre de ses deux sens légitimes), de même que tous les Juifs ne sont pas religieux ou que même parmi les Juifs sionistes, tous ne donnent pas des justifications religieuses à leur argumentaire politique ou philosophique. C’est une évidence que Dedaj, homme cultivé se prétendant spécialiste de la question, devrait connaître. On constate pourtant très vite plusieurs exemples de confusion dans son texte entre Juifs et « sionistes » :
« Sionistes : ça fait longtemps que vous me gonflez avec votre histoire de « terre promise ». Que de contorsions sémantiques pour qualifier un vol en bonne et due forme.
Sionistes : ça fait longtemps que vous me gonflez avec votre histoire de « peuple élu ». Que de beaux oripeaux pour camoufler votre racisme.
[…]
Sionistes : la religion dont vous vous revendiquez est aussi débile qu’une autre. »
Or, c’est un truisme là aussi : la justification religieuse, si elle a pu être utilisée par certains tenants du sionisme et a pu servir à la construction du mythe national juif puis israélien, est arrivée souvent après coup et n’a constitué qu’un courant du sionisme, qui à l’origine est un mouvement tout à fait laïc, allant de l’extrême droite (dont une minorité s’est laissée allée en 1933 à vouloir passer des accords avec les nazis concernant l’émigration des Juifs allemands en Palestine) à la gauche socialiste (au sens fort du terme, ce courant ayant même envisagé avant 1948 la création d’un Etat bi-national judéo-arabe) et même à l’anarchisme en passant par la droite libérale et conservatrice (Theodor Herzl, Edmond de Rothschild). Les justifications originelles données au sionisme en tant que nationalisme juif (un nationalisme ni meilleur ni pire que les autres, et qui s’est globalement construit au cours de la même période historique que bien des nationalismes européens, à savoir dans la deuxième moitié du XIXe siècle, suivant des logiques semblables) avaient en réalité assez peu à voir avec la religion, mais beaucoup avec une volonté de fuir les persécutions que subissaient les populations juives d’alors, notamment dans l’Est de l’Europe, donc en réaction à l’antisémitisme. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dès les débuts du mouvement, la thématique antisioniste a été récupérée par l’extrême droite antisémite. Précisons enfin qu’aujourd’hui encore, tous ceux qui défendent l’Etat d’Israël ne le font pas forcément au nom de mythes religieux.
D’autre part, cette association entre judaïsme et sionisme ne tient pas la route puisqu’il existe des interprétations antisionistes de la religion juive, notamment chez certains courants ultraorthodoxes comme les Neturei Karta, dont certains ont été jusqu’à s’allier aux antisémites dudit « Parti antisioniste » (ce que devrait savoir Dedaj, puisque LGS a publié le communiqué de fondation de ce parti antisémite). En réalité, cette association que fait Dedaj de deux choses qui n’ont rien ou fort peu à voir ensemble (le sionisme et la religion juive) sous le seul dénominatif « sioniste » – utilisé qui plus est comme un sobriquet insultant – relève effectivement d’un discours essentialisant et donc raciste et, en l’espèce, antisémite.
Dedaj a beau jeu dès lors de ne pas employer le mot « juif » parce qu’il ne serait « pas raciste » :
« Sionistes : vous crevez d’envie de me voir prononcer le mot « juif » et vous donner ainsi l’occasion de grimper aux rideaux. Peine perdu car, contrairement à vous, je ne suis pas raciste. »
C’est là une manière de se dédouaner à bien peu de frais, et même mieux : l’affirmation de son non-antisémitisme par ce qu’il n’emploie pas le mot « juif » est une affirmation totalement gratuite et même un non-sens, le contenu de son texte démontrant le contraire. Affirmant ne pas vouloir pononcer le mot tabou, il le prononce quand même, confirmant par ce simple effet rhétorique la confusion qui règne dans son esprit – et qu’il ne voudrait voir que chez ses adversaires – entre « Juifs » et « sionistes ». D’ailleurs, chassez le naturel, il revient au galop : comme beaucoup d’antisémites, Dedaj ne peut s’empêcher à la fin de son texte de réécrire le mot fatidique, en faisant référence ses « amis juifs » (c’est marrant comme les antisémites adorent mettre en avant leurs « amis juifs » en toutes occasions) ou plus précisément à des « camarades juifs ou pas, élus ou pas » censés rejoindre son combat, ou plutôt la vision qui est la sienne du combat contre le colonialisme israélien.
Un négationnisme latent
S’agissant du négationnisme, si Dedaj se garde bien de dire que « les chambres à gaz n’ont jamais existé », il file en revanche la métaphore comparant la situation en Palestine et à Gaza à celle des camps d’extermination nazis, ce qui a pour conséquence de relativiser le crime nazi (relativisation nécessaire, du point de vue des antisionistes antisémites, pour discréditer l’Etat d’Israël). Toujours s’adressant aux « sionistes », il écrit :
« Vous prenez prétexte du « terrorisme » pour mener tranquillement votre entreprise d’extermination. »
« Vous les avez enfermés dans de gigantesques ghettos. Vous avez crée des camps d’extermination de basse intensité qui n’osent dire leur nom. »
Or, si la situation en Palestine est dramatique, s’il est indéniable qu’Israël y a commis et continue d’y commettre de nombreux crimes, si Israël a bien mis en place une politique de ségrégation sévère entre Palestiniens et Israéliens et si Israël colonise bien les territoires des Palestiniens, on ne saurait cependant comparer cette situation à la politique d’extermination mise en place par les nazis contre les Juifs, les Tziganes, les homosexuels et quelques autres groupes humains qualifiés d’« inférieurs ». C’est une politique coloniale brutale (comme toutes les politiques coloniales), et certains points de comparaison peuvent sans doute être établis avec le régime d’Apartheid en Afrique du Sud, mais aussi avec d’autres systèmes coloniaux, tels ceux mis en place par la France ou le Royaume-Uni en Afrique. Cependant, il n’y a aucun camp d’extermination en Palestine, au sens strict qu’a ce terme : un camp conçu pour éliminer de façon systématique et même industrielle des populations entières. L’écrire, c’est nier la spécificité historique des camps d’extermination nazis. Et cette comparaison est un classique de la rhétorique des antisionistes antisémites.
De plus, le sort fait aux Palestiniens n’est pas justifié au niveau de l’Etat israélien par des raisons raciales (sinon le soutien à Israël deviendrait impossible) mais essentiellement par des raisons de « sécurité ». Si le résultat est quand même que les Palestiniens font bien l’objet de discriminations, que des lois ou règlements qu’on peut qualifier de racistes ont cours en Israël (comme il y en a dans tous les pays, en France aussi, et dans les deux cas, orchestrées notamment par les néo-conservateurs au pouvoir ces dernières années) ; s’il existe comme partout ailleurs des discours racistes tant parmi les dirigeants israéliens que dans certaines franges de la société de ce pays (racisme qui ne touche pas seulement les Palestiniens mais aussi les Israéliens non juifs – en particulier arabes – ou même les Falashas, c’est-à-dire Israéliens d’origine juive éthiopienne ou encore, dans une moindre mesure, les Israéliens d’origine séfarade), le racisme n’est cependant pas érigé en principe de gouvernement en Israël comme il l’était en Allemagne nazie. Il n’existe ni lois de Nuremberg, ni Mein Kampf en Israël. Même si cela ne justifie en rien les souffrances du peuple palestinien (Israël en est peut-être même d’autant plus coupable qu’il se veut une démocratie), cela fait quand même une énorme différence de nature avec le régime nazi, et vouloir mettre sur le même plan les deux politiques, y compris dans leurs motivations, revient là aussi à nier la spécificité historique du nazisme et du racisme nazi, à la base duquel se trouvait l’antisémitisme4. Or, ce genre de comparaison mal placée est elle aussi un classique de la rhétorique des antisionistes antisémites.
Au passage, on pourrait aussi ajouter que c’est une différence essentielle également avec le régime d’Apartheid ou le système colonial et son code de l’indigénat que le racisme et la croyance en une supposée inégalité des « races » et/ou des cultures (et donc la croyance en la supériorité d’un groupe humain – les Juifs, dans la logique des antisionistes antisémites – sur les autres) ne soient pas érigés en Israël en tant que principe de gouvernement, quand bien même ce pays se désigne comme « l’Etat juif » – ce qui n’en fait pas pour autant un Etat théocratique comme l’est l’Iran (dont le principe de gouvernement basé sur une interprétation rigoriste de l’Islam ne dérange en général pas les antisionistes antisémites), mais seulement un Etat confessionnel, comme le sont du reste la majorité des démocraties parlementaires européennes qui subventionnent des cultes quand elles n’ont pas de religion officielle, comme le sont la plupart des pays à majorité musulmane ou comme le sont ou tendent à l’être tant les Etats-Unis que certains pays d’Amérique latine où le fait religieux occupe une place centrale dans la vie politique et sociale sans que personne, pas même nos « antisionistes » d’opérette, pas même ceux d’entre eux qui se veulent des militants de la laïcité, ne semble en prendre ombrage.
Pour en revenir à Gaza, à laquelle Dedaj fait plus spécifiquement référence, on pourrait éventuellement parler de « zone concentrationnaire », mais seulement au sens générique qu’a pu prendre le terme de « camp de concentration » dès la fin du XIXe siècle, à savoir un camp de regroupement de populations considérées comme ennemies. Le problème est que les nazis ont entraîné une certaine confusion dans les termes en transformant certains de leurs camps de concentrations en camps d’extermination et en utilisant massivement le travail forcé dans les camps de concentration comme un moyen d’éliminer les populations emprisonnées, faisant presque des deux types de camps des synonymes. Il arrive d’ailleurs (ce n’est pas le cas dans ce texte de Dedaj, même si le concept étrange de « camps d’extermination de basse intensité » pourrait s’en rapprocher) que les antisionistes antisémites emploient au sujet de Gaza le terme de « camp de concentration », toujours dans leur optique de relativiser le crime nazi pour délégitimer Israël. Pourtant, mieux vaut, pour éviter toute ambiguïté, ne pas employer ce terme dans un tel contexte. D’ailleurs, il n’est pas utile pour comprendre et analyser la spécificité de la situation de Gaza. Au contraire, c’est un terme tellement connoté qu’il interdit toute réflexion un peu subtile sur le sujet.
Un discours raciste applaudi par des « gauchistes »
On remarque également tout au long du texte de Dedaj une absence totale de distinction entre la politique de l’Etat d’Israël et de ses dirigeants et le peuple israélien dans son ensemble qui – outre qu’il comprend aussi des populations non-juives, ce que semble ignorer Dedaj – ne soutient pas de manière univoque son gouvernement. Or, cette tendance à faire des généralités en regroupant des groupes qui n’ont rien à voir entre eux dans le même panier « sioniste », puis à essentialiser toute cette population (dont l’unité et la réalité n’existent que dans les cauchemars de Dedaj) sous ce seul vocable, relève bien d’un discours raciste anti-israélien (« anti-israélien » étant ici à prendre au sens non d’opposant au gouvernement de ce pays mais de raciste envers sa population).
Passons sur les affirmations gratuites (gratuites du fait qu’on ne sait plus si Dedaj parle des dirigeants de l’Etat d’Israël, des Israéliens dans leur ensemble, des seuls tenants du sionisme – Juifs ou non – ou bien des Juifs) :
« Sionistes : partout où je vous ai croisés, vous étiez du mauvais côté de la barrière. Aux côtés de l’Afrique du Sud de l’Apartheid, aux côtés de armées assassines du Guatemala… Je n’ai aucun souvenir de vous avoir vu du côté des exclus, des faibles. Pas une seule fois. »
Passons aussi sur son mépris social de consultant international en gestion pour les colons et les « beaufs » (comprendre : les pauvres) en général – des propos qui ne devraient pas avoir leur place sur un « journal militant d’information alternative », même s’agissant d’ennemis politiques :
« Sionistes : je me souviens d’avoir vu interviewer deux de vos fameux « colons » fraîchement débarqués de Bordeaux. Un couple de médiocres qui avaient enfin trouvé quelqu’un à exploiter. Ici ils n’étaient manifestement rien, allez donc savoir pour qui ils se prenaient là-bas. Vos colons sont des caricatures de beaufs accomplis. »
Hé oui, souvent, dans les phénomènes de colonisation, les pauvres des pays colonisateurs ont servi à dominer et à exploiter les pauvres des pays colonisés, c’est certes regrettable et condamnable, mais en quoi ce mépris social est-il pertinent pour analyser le fait colonial israélien – ou tout autre fait colonial, d’ailleurs ?
Un Dedaj tout de suite beaucoup moins sympathique, mais toujours au service de sa dictature préférée.
Le pire est sans doute que ce texte ait été applaudi dans les commentaires du Grand Soir par des blogueurs influents de la blogosphère de gauche (quasiment tous référencés par le portail altermondialiste Rezo.net), qui n’y ont semble-t-il pas vu malice. Le tenancier des « Chroniques du Yéti » exprime, avec les mêmes comparaisons douteuses et les mêmes confusions, son « Accord complet avec Viktor Dedaj. Voici que les « enfants battus » de la Shoah, maltraitent à leur tour les enfants de leur voisinage. Terrifiant destin ! » Le journaliste Olivier Bonnet, tenancier du blog « Plume de presse » n’a relevé aucun antisémitisme non plus dans ce texte, se contentant d’y apporter cette précision : « De juillet 2006 (guerre du Liban) à décembre 2008/janvier 2009 : « Plomb durci » et carnage sur Gaza. » Emcee, tenancière du blog « Des bassines et du zèle » va plus loin et salue « un texte admirable qui n’a pas pris une ride ». Quant à l’actrice Saïda Churchill, épouse de Romain Bouteille et vulgarisatrice de Noam Chomsky, elle ne souhaite pas être en reste dans ce concert de louanges : « La même chose pour moi, s’il vous plaît ! » Ce texte a par ailleurs été repris sur le blog « Police, etc. » de la fliquette se voulant « de gauche » malgré le métier qu’elle exerce Bénédicte Desforges5, qui indique l’avoir elle-même repompé sur le blog de l’animateur de radio Philippe Sage.
Comme il nous paraît impossible que tous ces gens ne sachent pas lire, on va supposer qu’ils se sont laissés aveugler par leur détestation – légitime – du sort fait par l’Etat d’Israël aux Palestiniens et par la petite phrase magique de Dedaj sur le-mot-qu’il-ne-faut-surtout-pas-prononcer-mais-qu’on-prononce-quand-même mais que, ayant pris connaissance de notre analyse, ils vont promptement soit revenir sur leurs déclarations de soutien, soit retirer ce texte de leurs sites respectifs, si ce n’est déjà fait.
A propos du sionisme et de l’antisionisme
Quelques remarques pour finir sur les notions de « sionisme » et d’« antisionisme » : dès les débuts du sionisme en tant que réveil national juif, c’est-à-dire dès la fin du XIXe siècle, ce terme a été réapproprié par les antisémites pour tenter de camoufler ce qu’ils sont réellement. Ce sont ces gens-là, qu’ils soient de gauche ou de droite, et eux seuls que nous désignons dans ce texte sous le terme d’« antisionistes antisémites ». Or, « antisionisme » revêt aussi deux autres sens, légitimes ceux-là, quoique ne recouvrant pas tout à fait les mêmes réalités même s’ils peuvent se téléscoper (Les dirigeants d’Israël se revendiquant souvent de la philosophie politique, ou du moins de certains de ses courants, pour justifier leur politique) : critique du sionisme en tant que philosophie ou projet politique (son sens originel, qui d’ailleurs ne désignait pas forcément à l’époque la Palestine comme « foyer national juif ») et critique de la politique de l’Etat d’Israël ou contestation de sa légitimité (sens apparus après 1948, le dernier sens pouvant être moins légitime que les trois autres selon le type de discours qui y est associé).
C’est sur cette polysémie que jouent les antisionistes antisémites pour se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas, et même pour leur contraire : des antiracistes, aidés en cela par une résolution de l’Onu de 1975 qualifiant le sionisme de « racisme », et dont ils nous rebattent les pixels6. Problème : cette résolution ne précise pas quelle définition elle donne au « sionisme ». S’agit-il de la philosophie ou du projet politique ? Si, oui, duquel de leurs courants ? S’agit-il de la légitimité d’Israël ? S’agit-il de sa politique ? Cette dernière option est la plus probable compte tenu du contexte, mais encore aurait-il fallu le préciser pour ne pas prêter le flanc à tous les amalgames qui peuvent en découler, et sur lesquels jouent les antisionistes antisémites. D’autre part, si le sionisme, comme tout nationalisme, est susceptible de contenir des dimensions de rejet de l’autre, de colonisation, d’impérialisme et/ou de discrimination alors on peut en dire autant du nationalisme français, allemand, turc, chinois voire arabe, etc. et on se demande dès lors pourquoi l’Onu n’a pas condamné de la même manière le nationalisme dans son ensemble, plutôt que de se focaliser sur celui-là en particulier, à une époque où les impérialismes ou les nationalismes ne manquaient pas de s’affronter sur le scène mondiale. Quoi qu’il en soit, on peut aussi souligner ce que ne relèvent jamais les antisionistes antisémites : que cette résolution a été abrogée en 19917, et que la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, texte fondateur de l’Onu, condamne toute forme de racisme et de discrimination, donc certes la politique coloniale de l’Etat d’Israël, mais aussi leur propre antisémitisme, quand bien même il est remaquillé sous des oripeaux « antisionistes ».
Une chose est sûre : aujourd’hui, avec la montée du confusionnisme politique, les cartes se retrouvent totalement brouillées, à tel point qu’il n’est plus possible de se dire « antisioniste » sans s’attirer des soupçons d’antisémitisme. On ne peut que remercier pour cela des gens comme Viktor Dedaj qui, faisant mine de dénoncer cet amalgame, ne cessent de l’entretenir et donc de faire le jeu de ceux qu’ils prétendent combattre, c’est-à-dire les défenseurs inconditionnels de la politique israélienne contre le peuple palestinien, soit ceux-là même voient pour certains comme une aubaine le fait de pouvoir associer antisionisme et antisémitisme afin de discréditer toute critique de la politique menée par l’Etat d’Israël en Palestine. Et comment leur donner tort quand des idiots utiles à la Dedaj font tant pour leur donner raison ?
Peut-être serait-il grand temps, pour contrer cette double offensive réactionnaire, de réfléchir à d’autres termes que ce mot trop polysémique d’« antisionisme » pour désigner la légitime critique de la politique de l’Etat d’Israël à l’égard des Palestiniens.
Abattez le mur !
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1 Voir ici : legrandsoir.info/Les-champs-de-Gaza-n-ont-jamais.html et là : bordeaux.indymedia.org/article/commune-d%E2%80%99aligre-et-confusionnisme-politique-ca-suffit?showcomments&page=0#comment-nid-2101
2 Nous ne nous appesantirons pas sur le cas de son comparse Maxime Vivas, qui met en avant son passé antifranquiste pour tenter de démontrer qu’il ne serait soupçonnable d’aucune sympathie fasciste ou raciste : si ce CV est authentique, le fait qu’il continue d’animer un site comme LGS est d’autant plus impardonnable. Voir ici : legrandsoir.info/lgs-s-est-invite-a-un-debat-organise-par-nos-calomniateurs-d-a-xi.html
3 A lire ici : http://www.anti-rev.org/textes/Bensoussan99a/ Ce texte date d’avant avant que Bensoussan ne se mette lui-même à délirer sur les jeunes musulmans comme principaux acteurs du développement de l’antisémitisme à l’école et à s’attirer les sympathies d’une certaine extrême droite.
4 Les adjectifs « juif » ou « enjuivé » devenant alors une sorte d’étalon pour désigner tout ce qui sortait de la norme nazie : homosexuels, communistes, opposants divers, etc. Lire à sujet Lingua Tertii Imperii (La langue du IIIe Reich) du philologue juif allemand Victor Klemperer.
5 Voir ici : police.etc.over-blog.net/article-26541830.html