Témoignage : « Oui, je me suis fait avoir par Etienne Chouard »

Décidément, nous ne somme pas les seuls à nous être aperçus des théories nauséabondes et des accointances d’Etienne Chouard avec l’extrême droite véhiculée dans ses écrits et ses conférences. De nombreux témoignages de personnes que nous connaissons et qui ont elles aussi assistés à des conférences de Chouard nous ont dit avoir ressenti un grand malaise à l’écoute de de certains des propos qu’il tient.

Nous relayons ci-dessous le témoignage  d’un militant écologiste et libertaire publié sur le blog Chez Fab, qui estime lui aussi s’être fait rouler dans la farine.

 

Oui je me suis fait avoir par Etienne Chouard

Souvenez-vous. Nous sommes en 2005 et un débat sans précédent a lieu autour de la « constitution européenne ». Un débat sur le fond, sur ce qu’attendent les peuples, et en France, un non au référendum (attention, pas un non que de gauche ceci dit).

Durant cette période, un homme s’est fait connaître par son étude approfondie du texte du traité pour l’établissement d’une constitution européenne. Etienne Chouard. Un enseignant.

Il tient un « blog » appelé. Le « le blog du Plan C » Sur celui-ci, il se met en scène dans des vidéos, des audios et livre ses textes. Rien à redire, c’est son droit le plus strict. Même si la « plan C » autrement dit le « plan Chouard » fait sourire sur l’égo du bonhomme.

Mais comme il servait de référence(s) à pas mal de mes ami-e-s « de gauche » (oui j’ai peu d’ami-e-s de droite), j’ai été amené à lire pas mal de ce qu’il a produit. Avec un certain malaise souvent (sous entendus, approximation, raccourcis rapides)

D’abord, il reprend à son compte la vielle idée du tirage au sort des citoyens dans les chambres représentatives (parlement, conseil constitutionnel, assemblée constituante). On ne trouve là rien à redire (sur la forme, car le fond de la représentativité reste pleinement critiquable), si ce n’est la finalité qu’il met là-dessous. Car Chouard est avant tout défenseur de cette thèse parce qu’il se pense « éclairé » et donc capable d’appeler à « résister contre ceux qui nous dirigent ». Tient, ne serait-ce pas une bonne vieille vision complotiste qui se profile ? Pas encore, pas affirmée… Mais aussi parce qu’il pense que tout nos maux viennent d’une « constitution française mal écrite ». Comme si un texte à lui seul pouvait changer tout …

Et puis il y a eu ses interventions publiques. J’ai pu assister à l’une d’elle et là je suis tombé de haut : l’homme présente les choses de façon tellement caricaturales et complotiste que sa malhonnêteté saute aux yeux… de qui veut la voir ! Car c’est un professeur, un enseignant, qui sait comment tenir l’assistance. Référence à « ceux qui ont tout en main » lié à Rothschild ou Rockefeller (thèse bien puante façon « Protocole des Sages de Sion »), sous entendu foireux que les médias qui nous manipulent tous (sauf lui bien entendu) et qui détournent la vérité sur l’Iran ou autre (oui, vous lisez bien). Et j’en passe… J’étais sidéré.

Alors j’ai fait quelques recherches, dans l’urgence en prime car sur Lyon, le mouvement des Indigné-e-s souhaite (ou souhaitais) l’inviter pour parler de sa fameuse thèse du tirage au sort (mouvement que je quitte sans réels regrets). Et ce que je craignais se vérifie.

Chouard ne cache pas ses liens avec ce qui se fait de pire en terme de complotisme / droitisme / antisémitisme. Cela va de Meyssan en passant par l’UPR. L’attachement à Kadhafi de façon assez pathétique. Des thèses aussi farfelues que peu crédibles, mais qui ont une voie dans la période actuelle. Les fans du « Protocole des Sages de Sion » et autres.

Je remercie au passage les personnes qui tiennent le site « Conspis hors de nos vi(ll)es » pour l’excellent dossier consacré à Chouard. A lire ici : Chouard et ses inspirateurs d’extrême droite et ici : Faux amis : Etienne Chouard. Dans les deux cas je ne peux que vous inviter à lire aussi les réponses faites par Chouard et ses soutiens, et celles apportées par les militants de « Conspis hors nos vi(ll)es ».

Car c’est là toute l’ambiguïté de la période actuelle : à trop vouloir trouver une échappatoire, souvent facile, de ce monde sclérosé, nous ouvrons la porte trop facilement, par manque de vigilance souvent, à des personnes qui défendent des thèses réellement nauséabondes. Mais qui parlent bien…

J’ai cité à une période Etienne Chouard, je me suis fait avoir, je le regrette. Mais au moins ai-je l’honnêteté de le reconnaitre, ce qui est loin d’être le cas de certains mouvements se disant « de gauche » et « progressistes » qui laissent encore trop facilement entrer le loup dans la bergerie.

La vigilance de chacun doit être grande face à ce genre de thèses.

Chez Fab, 4 octobre 2011.

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Un nouveau genre musical : le punk conspi

De plus en plus, le conspirationnisme gagne aussi la musique et fait perdre pas mal de repères à certains musiciens et artistes, notamment dans une frange de la scène rap française dont même des figures emblématiques, telles Rockin’ Squat[1] ou Keny Arkana, se révèlent être perméables aux théories du complot.

Jusque là épargnée, la scène punk a assisté récemment à son premier retournement de veste spectaculaire, via les Anglais du groupe Blitzkrieg, autrefois réputés antifascistes. Leur récent retour, après une longue absence, a été marqué par la sortie d’une chanson faisant la part belle à ces thèses fumeuses. Plusieurs dates de leur tournée française ont en outre dû être annulées après qu’on a appris que leur tourneur était un militant d’extrême droite connu du milieu, Hans Cany.

Fondé en 1979, le groupe punk Blitzkrieg se présentait lui-même à ses débuts comme un  puissant antidote aux chansons des bandes de skinheads néo-nazis et des groupes de Rac (ou Rock Against Communism) alors en plein essor[2]. Bien que ce groupe n’ait jamais connu un succès majeur dans la scène punk britannique de cette période, certaines de leurs chansons  sont considérées comme des hymnes antifascistes, par exemple « Lest We Forget », sortie en 1982 et qui condamnait  ouvertement et sans ambiguïté les nazis et les camps de la mort de sinistre mémoire.

A partir du milieu des années 1980, le groupe se met en sommeil puis se reforme sporadiquement jusque dans les années 1990 en incorporant des nouveaux membres. Silencieux depuis 1997, il remonte sur scène en 2007 à l’occasion du festival punk britannique Rebellion et sort un nouvel album en 2008, qui suscite une incompréhension totale chez beaucoup d’anciens fans. Voici en effet que Blitzkrieg se met à chanter et à véhiculer tout les clichés des théories du complot ! Sa nouvelle chanson phare s’intitule sans surprise « New World Order », et ses paroles sont explicitement conspirationnistes. En voici la traduction[3] :

Avez-vous entendu parler du Codex alimentarius[4] ?
La maladie obligatoire
Vraiment dangereux

Les éléments nutritifs retirés de tous les aliments
Ils vont ensuite contrôler le peuple
Plus aucun choix, nourriture irradiée
Ils nivellent par le bas tout le troupeau

Ce Nouvel Ordre Mondial ne fonctionne pas pour moi,
Ce Nouvel Ordre Mondial, une économie mondiale

La noblesse vénitienne noire[5]
Ou le groupe appelé Bilderberg
Ces mouvements stratégiques, ils les ont tous approuvés
Ils manipulent le monde

Georgia Guidestones[6], contrôle de la population
Agenda 21[7]
La peinture de l’aéroport de Denver[8]
Novus Ordo Seclorum[9]

Ce Nouvel Ordre Mondial, les événements sous faux drapeaux
Ce Nouvel Ordre Mondial, un Gouvernement mondial

Qui a jamais parlé du projet Haarp[10] ?
Car Haarp
C’est créer des trous dans le ciel
Un ennemi invisible

Tandis que les montagnes tremblent, secouées par des mégas tremblements
Des millions d’autre mourront
Ils feront passer des mensonges et pollueront le ciel.
Nos anciennes rivières seront asséchées.

Ce Nouvel Ordre Mondial, une nouvelle nation zombie
Ce Nouvel Ordre Mondial, une religion mondiale

Refrain:
Réveillez-vous !
Réveillez-vous, troupeau débile !
Réveillez-vous, réveillés!

On ne comprend pas bien le cheminement intellectuel qui a pu conduire Chris Hind (basse et voix), membre fondateur du groupe, à écrire ce texte, alors qu’à l’origine le groupe chantait des chansons avec des thématiques sociales et politiques. Fait révélateur de cet état d’esprit, Chris Hind et ses nouveaux musiciens affirmeraient désormais, selon l’organisateur de leur dernière tournée en France, Hans Cany, n’être « absolument pas un groupe politisé ». Selon le même, « les membres du groupe ne souhaitent pas être assimilés à quelque tendance politique que ce soit »[11]. Blitzkrieg serait donc dorénavant quasiment « apo », quoi… Or, dans la scène punk rock[12], « apo » (abbréviation d’ « apolitique ») est un terme à connotation péjorative qui signifie qu’on n’est en règle générale pas spécialement regardant sur ses fréquentations politiques, y compris quand elles sont douteuses, réactionnaires ou d’extrême droite.

Autre fait troublant : l’orientation politique de leur tourneur Hans Cany, qui est un des rares punks d’extrême droite un peu en vue que compte l’hexagone. Dans ces conditions, la venue du groupe a causé de nombreux débats et polémiques dans la scène punk[13], qui ont même conduit à l’annulation du festival La nuit du Punk qui devait avoir lieu le 24 Septembre 2011 au squat du SPA a Paris car Hans Cany devait y faire jouer Blitzkrieg. En désespoir de cause, il réussira finalement a les faire jouer au Mondo Bizarro à Rennes le 23 septembre 2011. Sur le Facebook de Cany, on trouve des photos de cette mémorable soirée, avec de non moins mémorables commentaires de l’intéressé :


Furieux en tout cas de cette annulation, Cany se mettra ensuite à calomnier, menacer et insulter divers activistes et militants antifascistes de la scène punk française sur ses blogs[14] et sur Facebook, tout en les rendant responsables de l’annulation du festival et en essayant de leur en faire porter le chapeau.

Hans Cany et la « regermanisation » de la France

Mais revenons un peu sur le cas Cany, qui est symptomatique à bien des égards de ce confusionisme qui gangrène la scène « apo ».

Hans Cany (dit Hans – ou Hanns – Wehrwolf, tout un poème[15]) habite une zone résidentielle dans le quartier de La Courrouze à Rennes, se déclare « national-anarchiste » et se dit fier sur Facebook de ses « racines celto-germaniques » :

Attaché, donc, à la « race » nordique, il a pondu en 2008 un texte hallucinant intitulé « OUI à une nouvelle immigration »[16]. Un facho favorable à l’immigration ? Certes oui, mais pas n’importe laquelle :

Dans l’ Hexagone actuellement, 40% environ de la population a des origines franchement germaniques (chiffre qui monte jusqu’à 70% pour les régions situées au nord de la Loire, ce fleuve constituant à plus d’un titre une frontière ethno-culturelle depuis plus de 1500 ans).

[…]

Ce chiffre était de toute évidence beaucoup plus important au Moyen-Âge (que l’on songe notamment à la différence flagrante de densité de population entre la moitié nord et la moitié sud), et tend de plus en plus, surtout depuis deux siècles, à diminuer peu à peu. En cause, le « nomadisme » d’une région à l’autre et les brassages de population inévitables qu’il implique, sans parler bien sûr de l’immigration extra-européenne galopante qui a surtout pris son essor il y a environ 35 ans…

Mais il y a ne serait-ce que 200 ans, pas moins de 65% des recrues de l’armée napoléonienne avaient les yeux bleus, ce qui est assez révélateur de leur identité ethnique. Si on faisait le même type de recensement aujourd’hui, à peine deux siècles plus tard, je ne parierais pas qu’on obtiendrait le même pourcentage…

[…]

Depuis longtemps déjà, la France est en pleine dégénérescence, principalement du fait d’un déclin de sa germanité (concernant ses régions nord surtout, mais aussi la Bourgogne, la partie septentrionnale de sa région « entre », etc).

J’en conclus donc qu’il faut favoriser l’immigration.

Non pas l’immigration extra-européenne venue du Sud ou d’Asie, bien sûr. Mais il faut encourager l’immigration issue du Nord, du Nord-Ouest et du Nord-Est de l’ Europe, de façon à « regermaniser » un peu l’ensemble, et à sauver ce qui peut encore l’ être !

Certains voient d’un mauvais oeil la proportion croissante de Britanniques, de Hollandais, d’ Allemands etc qui font l’acquisition de propriétés dans certaines régions hexagonales. Mais moi pas.

[…]

Cette immigration-là, nous devons l’accueillir à bras ouverts. Car pour le coup, elle représentera véritablement, cette fois, une « chance pour la France ». Sans doute la dernière.

 

Un CV chargé

Ceci pour planter le décor. Communiste stalinien dans sa jeunesse, les débuts de Cany en politique sont prometteurs, comme il l’avoue lui-même dans sa biographie officielle (par lui rédigée, à la troisième personne du singulier s’il vous plaît)[17] :

Découlant de son intérêt précoce pour l’Histoire, sa conscience politique s’éveille très tôt. Enfant, il est fasciné par les totalitarismes, qu’il s’agisse du IIIème Reich ou de l’URSS, et en 1981, dans le sillage de son père, il appelle de ses voeux l’élection de François Mitterrand et la victoire de la gauche. En 1984, il se veut fanatiquement communiste. Ses repères d’alors sont vagues et éclectiques, allant du pro-soviétisme bon teint à l’engouement pour les groupes terroristes de l’époque (Action Directe, CCC, RAF, E.T.A…), en passant par un soutien global a tout ce qui est « de gauche » extrême ou pas, avec cependant une prédilection particulière pour tout ce qui peut se réclamer du marxisme. En 1986, âgé de 14 ans, il adhère à la Jeunesse Communiste (JC), qui se veut alors la branche jeunes « autonome » de l’encore très stalinien PCF. […] Cette même année s’éveille en lui une solidarité très vive avec la Jamahiriya libyenne bombardée par les USA de Reagan, et dès lors, une grande sympathie pour la figure de Mouammar Kadhafi.

Il bascule dans la contre-culture punk à partir de fin 1986. Face aux premiers signes de déclin du « Bloc de l’Est », sa position se durcit, et il se tourne alors davantage vers le purisme intransigeant du communisme pro-albanais, à partir de la mi-1987. A ce stade, même les régimes soviétique et chinois sont rejetés par lui comme « révisionnistes » (déviationnistes, en jargon communiste) et impérialistes, seuls la tendance ML (Marxiste-léniniste) et le régime d’Enver Hoxha trouvent grâce à ses yeux.

Metapedia, le Wikipedia facho, qui est malheureusement une des seules sources, outre Cany lui-même, sur ce personnage, donne quelques détails sur cet activiste d’extrême droite multicartes[18]. On y apprend que Cany a commencé à animer des groupuscules pseudo-libertaires à la fin des années 1980 et à éditer quelques tracts et fanzines. En 1990, il rejoint l’Alliance ouvrière anarchiste (AOA), qui selon ses propres termes cités par Metapedia était « un réseau anar individualiste et très « politiquement incorrect » (rien à voir avec les organisations « anars » antifa françaises !) ». Ca veut tout dire…

Par la suite, il a gravité dans les années 1990 successivement autour d’Unité radicale (UR) – le futur Bloc identitaire – et a signé en 1997 un appel à l’union du FN et du MNR lancé à l’intitiative d’UR. Un temps proche des « nationaux révolutionnaires » de Nouvelle Résistance (il a par la suite fréquenté les forums de VoxNR, autre organisation de cette tendance). Il a aussi fréquenté les milieux identitaires et autonomistes bretons et flamands.

Dans les années 2000, il se rapproche du courant national-bolchevik, qui puise son inspiration auprès du parti russe du même nom d’Édouard Veniaminovitch Limonov. On retrouve ses écrits en 2008 dans le magazine toulousain de cette mouvance, Rebellion, qui est distribué par le site de vente en ligne d’Alain Bonnet de Soral, Kontre Kulture[19]. En 2009, il refonde l’AOA qu’il rebaptise Alliance oppositionnelle anarchiste.

Une seule constante dans cette carrière mouvementée : Cany est un vegan et fait partie de ces « écologistes » d’extrême droite qui certes prônent le recours a une nourriture végétalienne contre la surproduction industrielle, mais qui surtout, sous prétexte de « protection des animaux », tentent par divers moyens d’infiltrer des mouvements écolos radicaux axés sur la décroissance. Comme certaines organisations de cette mouvance, Cany prétend lutter contre la malbouffe, qui est autant selon lui celle des chaînes de fast-food que celle des kebab et autres boucheries kasher[20]. Autre engagement « écologiste » qui lui tient à cœur : la lutte anti-« chemtrails », auxquels il consacre un de ses albums photo Facebook.

Ministre de la propagande de Kadhafi

C’est donc  tout naturellement qu’en cette fin d’été 2011 on a pu voir Hans Cany – qui pourtant affirme dans sa biographie rejeter « les principes de l’Etat-Nation, du centralisme, de la hiérarchie, de l’autorité » – venir au secours de la dictature de Kadhafi  sur son blog Etoile noire (hébergé sur Haut et Fort, une plate-forme très populaire au sein de l’extrême droite). Selon lui, les « les vrais socialistes, les vrais libertaires soutiennent Kadhafi ». A ces détracteurs qui lui reprochent cet engagement et qui critiquent Kadhafi, il répond par des mots doux : « petits gauchistes boutonneux », « écolos-pastèques », de « simili-« libertaires » » et même de « groupusculets de l’extrême-gauche marxolâtre »[21].

Cany est aussi a l’origine avec sa petite amie belge[22] d’une page Facebook intitulée Drapeau vert et entièrement dédiée à « la défense de l’idée jamahiriyenne », une idéologie qui serait selon lui « socialiste », voire « libertaire » (cherchez l’erreur). Sur cette page on retrouve bien sûr des interventions de divers conspirationnistes, mais aussi celles du très sulfureux Michel Collon, qui a relayé sur son site Investig’action un appel à manifester et à soutenir Kadhafi  le  3 septembre 2011 à paris, une  manifestation qui était appelée par  l’association La Pierre et l’Olivier, une émanation de deux militantes  négationnistes  Ginette Skandrani  et Maria Poumier. Cette page est aussi fréquentée par Allain Jules, un confus très actif sur le Net  qui est tout à la ségoléniste (il a « prédit » la victoire de Royal aux primaires socialistes), dieudonniste et kadhafiste.

Cany : « Je ne suis pas d’accord avec tout ce que dit le FN mais bon quand même ???? »

Mais Hans Cany ne s’arrête pas en si bon chemin et la défense de dictatures n’est pas son seul cheval de bataille, loin s’en faut. Défendre un parti « ostracisé », le FN, en est un autre.

Dans un texte délirant[23], notre « fédéral-anarchiste » – comme il aime à se définir dorénavant – considère que ce parti « soulève certes bien des questions pertinentes » même s’il a dit avoir des « divergences » avec lui. Jamais à une contradiction près, Hans Cany se lance alors dans de grandes tirades très explicites permettant de renifler le fumet rance de son ragoût idéologique. Ainsi, pour lui, le FN ne ferait que dénoncer « L’immigration massive, l’islamisation de la société, le libéralisme économique, le mondialisme, le diktat de l’euro et de l’UE etc sont autant de calamités[…]La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, pour moi, c’est l’islamisation galopante et la banalisation/généralisation du Halal. Cet état de fait est absolument inacceptable, intolérable. Comment s’étonner, dans de telles conditions, d’une « montée » substantielle de l’audience du FN, comme des divers groupuscules identitaires. »

Un peu plus loin, il n’hésite pas à en rajouter une louche, avec un phrasé qui n’est pas sans rappeler celui d’un Alain Bonnet de Soral. Il n’est pas entièrement d’accord avec le FN, mais lui laisse quand même  sa porte grande ouverte : « Je refuse la diabolisation du Front National, la stigmatisation de ses membres, les mensonges et l’ostracisme dont ils sont la cible, et l’hystérie délirante entretenue à leur sujet par quelques surexcités plus ou moins extrémistes et endoctrinés. J’approuve même une partie de leur discours, je le dis tout net. N’en déplaise aux paranos et aux ignorants de service, non, ce parti n’est ni racialiste, ni raciste, ni « fasciste » ou « nazi ». Pour autant, il a bien du mal à se tenir réellement au « ni droite ni gauche » qu’il proclame parfois, et au-dela de cet effet d’annonce, force est de constater que beaucoup trop de ses membres continuent en fait de le présenter comme un parti de « droite nationale ». Chassez le naturel, et il revient au galop…  Dans de telles conditions, il est bien évident que je ne pourrai jamais les rejoindre pleinement. Car leur combat, leurs valeurs, leurs objectifs, leurs idéaux, ne sont définitivement pas les miens. »

Des « idéaux » qui ne sont pas les siens, mais dont il se rapproche drôlement en tout cas. Tellement drôlement d’ailleurs qu’il l’avoue dans sa biographie officielle : « Entre la fin de l’année 2010 et les premiers mois de l’année 2011, il se rapproche de la nouvelle orientation adoptée par le Front National à l’instigation de Marine Le Pen, jugeant son évolution globalement positive, et lui apporte un soutien critique, sans pour autant adhérer à toutes les idées véhiculées par ce parti. Il reprend néanmoins très vite ses distances vis à vis de ce dernier, mais refuse sa diabolisation, et continue de juger favorablement certaines de ses propositions et de ses prises de position, tout en rejetant les autres. » Adhérer ou ne pas adhérer au Front national ? Voilà une question fort pertinente que devraient en effet se poser tous les « anarchistes ».

Les tribulations de Hans Cany, qui est peu connu dans le grand public – mais pas de la scène punk rock française ni des cercles de camarades militant antifascistes – pourront sembler a certain-e-s anecdotiques. Elles n’en démontrent pas moins que les discours de la mouvance conspirationniste, qui se targuent d’un « apolitisme » et d’une « lutte anti système » – bien  pratiques pour éluder  leurs visions binaires d’un monde qui serait divisé entre « méchantes élites comploteuses » et « bon peuple démocrate » – ramènent  immanquablement toujours à l’extrême droite et à ses idéologies, avec leur « refus du clivage gauche-droite ». Pour le moment, la scène Punk rock actuelle est restée relativement peu perméable a ces théories du complot et a toute ses approximations foireuses. Espérons pour elle que les cas Blitzkrieg et Hans Cany resteront des cas isolés.

Allez, et en guise de dessert, nous vous offrons quelques images rigolotes de Cany et de sa copine trouvés sur Facebook :

Cany en grand uniforme de la l’« Armée nationale du peuple » de la RDA : il n’a pas dû trouver celui de la Wehrmacht.

Enfin, quelques noms à retenir de sites animés par Cany et à éviter à tout pris, sauf si on est maso : Punx United, Wardance, Etoile noire.

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Mise à jour 14 octobre 2011, 23h20 : ci-dessous une capture d’écran faite il y a quelques minutes sur le Facebook de Cany, soit seulement quelques heures après qu’il nous a posté un commentaire nous accusant de « malhonnêteté intellectuelle » :

15 octobre, 8h31 : environ dix heures plus tard, la conversation devient passionnante et Cany noue de nouvelles amitiés :



[1]   Au sujet de Rockin’ Squat, lire cet article de CQFD : http://www.cequilfautdetruire.org/spip.php?article1838

[2]   Terme inventé par Ian Stewart, chanteur du groupe oï-skinhead néo nazi Skrewdriver, soi-disant en réponse aux groupes punk anglais des années 1970 et 1980 qui avaient participé aux fetivals Rock Against Racism, comme The Clash ou Sham69. Par extension, le Rac est devenu un courant musical ouvertement néo nazi et négationniste et la musique des skinheads fascistes.

[3]   Le texte original, ainsi que la musique, peuvent facilement se trouver sur YouTube : youtube.com/watch?v=w8L9eCHhq9c

[4]   Wikipedia nous apprend que « Le Codex Alimentarius est un programme commun de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’Organisation mondiale de la santé (O.M.S.) consistant en un recueil de normes, codes d’usages, directives et autres recommandations relatifs à la production et à la transformation agro-alimentaires qui ont pour objet la sécurité sanitaire des aliments, soit la protection des consommateurs et des travailleurs des filières alimentaires, et la préservation de l’environnement. La Commission du Codex Alimentarius, en est l’organe exécutif. Cette organisation internationale, où siègent les représentants de près de 200 pays, a été créée en 1963 par la FAO et l’O.M.S. » Selon les conspis, ce programme serait une œuvre du « trust pharmaco-chimique » qui viserait à interdire l’accès aux médecines « traditionnelles » ou « douces ». Voir par exemple sur ce site conspirationniste : onnouscachetout.com/themes/alimentation/codex-alimentarius.php

[5]   Nous devons bien avouer qu’après bien des recherches, nous n’avons toujours pas compris ce que désignait ce concept, très populaire chez les conspis anglo-saxons mais sans qu’un accord puisse être trouvé entre eux sur la vraie nature de ce groupe « occulte » : s’agit-il d’une branche des Illuminatis ? Sont-ils d’origine reptilienne ? Nous prions les conspis qui nous lisent de bien vouloir nous éclairer. Une chose est sûre : il semble que dans l’histoire de la république vénitienne, plusieurs groupes aient pris ce nom à différentes époques.

[6]   Là encore une théorie du complot typiquement anglo-saxonne. Les Georgia Guidestones sont un assemblage de mégalithes érigé en Géorgie, aux Etats-Unis, et financé par un donateur anonyme. Dix commandements au contenu très douteux sont écrits dessus en différentes langues, et la géométrie remarquable de l’assemblage permet la mise en évidence, via son agencement par rapport au soleil et aux étoiles, de certains moments de la journée (le monument donne la date du jour à midi), de l’année (équinoxes et solstices) et géographiques (étoile polaire indiquant le nord). Wikipedia indique en outre que « une plaque donne les explications, et promet à tort une capsule temporelle enterrée, « à ouvrir le » sans date précisée ». Rien de tel pour alimenter les théories du complot…

[7]   Aidons-nous encore une fois de Wikipedia : « L’Agenda 21 (ou Action 21) est un plan d’action pour le XXIe siècle adopté par 173 chefs d’État lors du sommet de la Terre, à Rio de Janeiro, en 1992. Avec ses 40 chapitres, ce plan d’action décrit les secteurs où le développement durable doit s’appliquer dans le cadre des collectivités territoriales. » Selon le site conspi reveillons-nous.free.fr, ce plan comprendrait un « programme de contrôle des populations » qui serait voulu par les « apôtres du soi-disant « développement durable », qui veulent réduire la population mondiale pour pouvoir continuer à polluer plus longtemps ». Sur les forums d’Onnouscachetout.com, un commentateur précise qu’il s’agit d’un « programme bobocolo de l’ONU qui s’installe tranquille dans les villes en mode « top down » » (onnouscachetout.com/forum/topic/20337-la-crise-systemique/page__view__findpost__p__387711). Ca vous éclaire ? Nous non plus.

[8]   De nouveau, il s’agit d’une théorie conspirationniste typiquement anglo-saxonne. L’aéroport de Denver, dans le Colorado, est décoré d’une vaste fresque murale à la thématique apocalyptique sur laquelle les Illuminatis (ou les reptiliens?) annonceraient leur volonté d’exterminer 500 millions de personnes pour la fin du mondee prévue en 2012 (ils sont malins ces comploteurs : ils révèlent publiquement leurs méfaits). Cet aéroport abriterait en outre une base secrète réptilienne, illuminati ou maçonnique. Preuve en est : la visite récente qu’y a fait Obama. Ou peut-être qu’on n’a rien compris ? Gageons une nouvelle fois que nos lecteurs conspis voudront bien nous éclairer.

[9]   Cette phrase latine qui figure sur le Grand Sceau des Etats-Unis ne signifie pas, contrairement à ce qu’affirment nombre de conspis, « nouvel ordre mondial », mais « nouvel ordre pour les siècles » ou « nouvel ordre dans l’Histoire », comme l’indique le texte d’approbation par le Congrès américain en 1782 de cette devise. Elle a été choisie pour marquer la rupture historique que constituait déjà aux yeux de son concepteur, le père fondateur Charles Thompson, la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis.

[10]  Haarp, abréviation de High Frequency Active Auroral Research Program, est un programme américain de recherche scientifique et militaire sur la ionosphère. Ses grands radars basés en Alaska seraient selon les conspis responsables des tremblements de terre, des tsunamis, du trou dans la couche d’ozone et de dérèglements climatiques en tous genres, autant de résultats des expériences inavouées et inavouables qui y seraient selon eux menées. Beaucoup de conspis pensent que Haarp agit de concert avec les « chemtrails », qui selon eux sont des épandages chimiques de produits par les avions qui visent tout à tour à délivrer des drogues pour soumettre les hommes ou à modifier le climat. Les traces de condensation laissées par les avions seraient en réalités des « chemtrails », pour « chemical trails », en français « traînées chimiques ». Car il ne suffit pas de dire que les avions polluent…

[11]  Voir ici sur le blog de Cany consacré au punk : punx-united.blogspot.com/2011/08/mise-au-point-blitzkrieg-nest-pas-un.html

[12]  Depuis 1977, la scène punk rock  a toujours été radicalement politisée et marquée a gauche, de nombreux groupes se revendiquant de l’anarchisme ou du communisme. Il existe certes une frange de groupe punks réactionnaires ou d’extrême droite, mais elle reste minoritaire et détestée de la majorité des activistes de la scène punk.

[14]  Par exemple ici : punx-united.blogspot.com/2011/08/alerte-un-festival-punk-cible-dune.html

[15]  En allemand, « Werwolf » veut dire « loup-garrou » et « Wehr » signifie « défense », comme dans « Wehrmacht ». Dans l’Allemagne nazie, Wehrwolf était le nom d’un des quartiers généraux d’Hitler. Le jeu de mot lui a probablement été inspiré par Der Wehrwolf, livre écrit en 1910 par l’écrivain nationaliste allemand Hermann Löns qui bien que mort au combat en 1914 n’en deviendra pas moins à titre posthume un des auteurs fétiches des nazis. Dans sa graphie originale, Werwolf était par ailleurs le nom donné à partir de 1944 à des unités de « partisans », constituées en majorité de reliquats de la SS ou des jeunesses hitlériennes, et qui étaient censées continuer à se battre via des actions de guerilla à l’arrière des lignes alliées, au fur et à mesure de leur avance en territoire allemand. Si le rôle de ces unités sur le terrain est resté très anecdotique, elles ont par contre été abondamment mises en avant par la propagande nazie.

[16]  A lire sur son blog : etoilenoire.hautetfort.com/archive/2011/01/18/oui-a-une-nouvelle-immigration.html

[17]  A lire sur son blog  : etoilenoire.hautetfort.com/archive/2011/06/24/hans-cany-la-verite-sur-son-parcours-politique.html

[18]  On peut consulter sa fiche ici : fr.metapedia.org/wiki/Hans_Cany

[19]  Le site antifasciste Reflexes a consacré en 2008 un article à Rébellion, où il est aussi question de Cany : http://reflexes.samizdat.net/spip.php?article353

[20]  Cany, qui met en lien sur ses blogs la Fondation Brigitte Bardot, a dû adorer la campagne de pub contre l’abattage rituel qui envahit nos murs en début d’année, à l’intitiative de cette même fondation, et dont les connotations racistes étaient évidentes. Pour rappel, sur une des affiches, on voyait le visage en gros plan d’une petite fille blonde aux yeux bleus (une « Aryenne » comme Cany les aime) flanquée du slogan « Laura ignore manger halal ou casher. Pourtant on lui impose. Une analyse de cette campagne est disponible sur Indymedia Paris : http://paris.indymedia.org/spip.php?article5208 De son côté, Hans Cany a publié sur son blog un article reprenant la même thématique et ne s’entourant pas de précautions rhétoriques : etoilenoire.hautetfort.com/archive/2011/01/18/casher-halal-memes-saloperies-abjectes.html De manière générale, tout un pan de l’extrême droite fait son beurre autour du combat contre la « malbouffe ». Ainsi le Mouvement d’Action sociale s’est fait une spécialité de manifester contre les chaînes de fastfood aussi bien que contre les kebab. On se souvient aussi des distribution de « soupes au cochon » organisées tant par les identitaires que par l’association Solidarité des Français (SDF) à destination des sans-abris « de souche », ou encore de l’affaire du « Quick halal » qui a vu se déchaîner les fafs.

[21]  Voir sur son blog : etoilenoire.hautetfort.com/archive/2011/09/16/les-vrais-socialistes-les-vrais-libertaires-soutiennent-kadh.html

[22]  Amie des bêtes elle aussi, Luna Stenfors milite dans une association baptisée Le Klan du Loup (Klan comme Ku Klux Klan, ha ha ha qu’elle est bonne !) dont le blason reprend la forme et les couleurs des insignes des divisions SS, mais avec le dessin stylisé d’une tête de loup au milieu.

[23]  Voir ici : etoilenoire.hautetfort.com/archive/2011/07/18/quelques-reflexions-au-sujet-du-front-national.html

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« Brigades de La Dissidence » ou camouflage socio-démocrate pour fascistes en herbe

Retour sur le groupe La Dissidence, que nous évoquions il y a quelques jours, avec la parution sur Indymedia Nantes d’un article d’analyse du programme et des pratiques de ce groupe, article que nous reproduisons ci-dessous. Rappelons que ce groupuscule, très actif en ce moment, a pour ambition de phagocyter les mouvements sociaux pour y promouvoir ses idées réactionnaires et la personne de son leader. Comme expliqué dans l’article ci-dessous, un petit tour sur les forums du groupe suffit à le définir comme d’extrême droite et conspirationniste. Un seul exemple : la liste des invités présumés à d’hypothétiques « Assises de la Dissidence », où hormis quelques personnalités insoupçonnables d’accointances douteuses (pour donner le change), c’est l’ensemble de la fachosphère et de la conspisphère qui est visé [1].

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Petite critique libertaire de ce nouveau mouvement pseudo-révolutionnaire et de leur idéal national-républicain merdique. Il serait facile de faire beaucoup plus court, tellement la nature de ce mouvement saute aux yeux et tellement le fossé entre la liberté et leur réalité nous apparaît bien avant la lecture de fond. Nous décidons pourtant d’en faire la critique de A à Z, sur le fond, sur la forme et sur les méthodes, pour faire en sorte de tuer dans l’œuf ce sursaut fascisant. Quelques considérations générales pour commencer :

– De tout temps les démocrates de tout bord ont fait en sorte d’apporter une définition extrême et réductrice du fascisme. Pour la même raison qu’on montre la gamelle du chien à un malheureux pour lui prouver qu’il a de la chance, l’intérêt même de la social-démocratie (d’autant plus quand elle se veut nationaliste) est de réduire le fascisme aux seuls SS et chemises noires. Nous affirmons qu’il n’y a aucune différence entre l’oppression d’un seul individu sur la société entière, et l’oppression de la société entière sur elle-même, puisqu’il s’agit dans tous les cas de normes, d’oppression, et de chemin tout droit tracé. Parler de liberté dans ce contexte est un non-sens. Nous ne voulons pas aménager l’Etat, nous voulons le détruire, à cause de sa nature même. Nous ne voulons pas de « vraie démocratie républicaine », nous voulons supprimer le pouvoir, y compris celui du peuple.

– Il apparaît évident à la lecture de leurs débats qu’une bonne moitié des « volontaires de la Dissidence » n’a même pas conscience de s’être fait endoctriné, et surtout de la raison de cet endoctrinement, tellement les positions sont hétéroclites sur les sujets, voire même s’opposent. Cette position est claire : « On veut la liberté, on est prêts à manger de la merde pour ça et en faire manger aux autres, on verra après. » Pour cette raison cette critique ne touche pas les personnes mais plutôt le mouvement en lui-même, à part peut-être son autoproclamée tête pensante qui, soit par avidité de pouvoir soit par besoin de reconnaissance a ce besoin compulsif de fourrer son nom au bas de chaque texte.

– Il est assez inutile de se revendiquer apolitique, tout du moins de catégoriser le mouvement comme tel, lorsque la quasi-totalité des liens, des contacts, des affluences se revendiquent eux-mêmes d’extrême-droite ou peuvent y être affiliés très facilement. C’est d’autant plus ridicule lorsque l’on peut lire des choses comme « c’est de la faute des franc-maçons et des gauchistes » (et pourquoi pas des juifs et des extra-terrestres ?) ou des éloges à n’en plus finir sur Egalité & Réconciliation. Le nationalisme est par nature d’extrême-droite, c’est un fait. De même, l’argument qui voudrait mettre fin au clivage gauche/droite (argument politicard si il en est), et qui tente de limiter les clivages de la société aux seules positions bureaucrates gauche et droite tient difficilement la route quand la critique du mouvement est énoncée par des militants anti-parlementaristes, donc par définition ni de gauche ni de droite. Ce mouvement passe très largement à côté du seul vrai clivage de notre société, oppresseur/opprimé, au point de révéler leur manque de connaissance du terrain et du quotidien de la classe dirigée. La République est clairement un oppresseur. Nous sommes clairement dans la défense des opprimés.

La première chose qui frappe c’est le vocabulaire employé. On aura beau nous opposer que « Rejoignez les Brigades de la Dissidence !» est un terme tout a fait neutre et démocratique, nous y reniflons comme un soupçon d’air fascisant. Parce qu’on ferait difficilement mieux comme nom de police politique. Parce que ça sonne comme une campagne de propagande façon « We need you ! » (quelle ironie quand les Etats-Unis sont vus comme la bête noire à abattre). Sans parler de cette autoproclamée Dissidence qui se veut être l’avant-garde du renouveau républicain. Il y a également ce fameux « 50 propositions pour relever la France », sous-entendu actuellement à genoux, qui doit retrouver sa grandeur d’antan (amen). La plupart ne se sont pas rendus compte en en discutant qu’il ne s’agissait plus de propositions, mais d’un idéal à imposer à la totalité de la population (mais seulement française, faut pas abuser non plus). La plupart n’ont pas cherché à comprendre ce que « relever » signifie. La plupart n’ont même pas réfléchit sur la nature même de « la France », sur ce que ça signifie, sur ce que ça implique. Pour notre part nous n’y voyons que frontières fictives créées par le pouvoir et les guerres, qu’obligations, que devoir, que catégorisation de gens qui peut-être ne veulent pas être catégorisés. Que nausée en somme. Il est tellement illusoire de parler de « Dissidence Française » quand le chaos capitaliste touche la totalité de l’Humanité. Illusoire ou fascisant.

On sert les dents et on lit le texte, enfin plutôt leur Bible. Celle qu’ils veulent voir devenir la Sainte Parole de tout un peuple. Nous passerons rapidement sur nos accords d’analyse tant nos solutions divergent. De la même manière qu’un raciste écolo représente une idéologie à abattre, l’anticapitalisme apparent ne nous empêchera pas d’affronter le flot de vomit qui suit. Les ennemis de nos ennemis ne sont pas nos amis.

Le mirage anticapitaliste

Il est vain et trompeur de considérer le capitalisme uniquement financier. Allez savoir, après tout, ce sont sûrement les franc-maçons qui manipulent l’économie (sic). Pire que ça, cela dénote une méconnaissance totale de la manière dont fonctionne notre système bien au-delà d’éventuelles confréries relevant sans doute d’avantage du fantasme que de la réalité. Petit cours d’économie. Tout individu sur cette planète possède actuellement le droit universellement reconnu de s’approprier des ressources et des espaces, qui pourtant n’appartiennent à personne. Une fois ces modes de productions répartis entre quelques mains, reste à ceux qui ne possèdent rien leur unique force de travail. Cependant, comme il serait trop simple de travailler uniquement pour les besoins essentiels, on créé l’envie et la société de consommation. Partout où il n’y pas d’envie encore créée il y a un marché potentiel. Si vous n’avez envie de rien, ils créeront l’envie. On créé alors des métiers spécialisés dans le développement de l’envie, d’autres dans les études de l’envie. Tous ces gens n’ont évidemment, eux aussi que leur force de travail à vendre puisqu’ils ne possèdent pas de ressources. Ils deviennent cependant acteurs de ce cercle vicieux soit pas nécessité soit par appât du gain, gain qui permettra d’obtenir divers biens inutiles dans cette sacro-sainte société de consommation. Evidemment, tout le monde n’a pas accès à tout cela. Il nous tient à cœur de préciser que quand bien même ce serait le cas, nous aurions autant la nausée au vu de l’exploitation réciproque généralisée. Le monde financier se greffe sur ce joyeux bordel ambiant et commence à spéculer avec l’argent qu’il ne possède pas. C’est la partie visible de l’iceberg. Si le monde financier a son rôle dans la crise économique actuelle, les exploités l’étaient déjà bien avant que nos activistes en herbes ne décident que le capital était mal géré.

Notre avant-garde éclairée nous propose donc de taxer ce monde financier et de réaliser moult bidouille qui ne font que renforcer la monnaie alors que le vrai souci se situe au niveau des rapports marchands. Pas de la façon dont ils sont réalisés, du simple fait qu’ils existent. La critique et les solutions sont partielles, superficielles. Du simple rafistolage à des années lumières de toute critique des rapports infligés à l’être humain (du moins à ceux qui n’en veulent pas). A aucun moment la nature même du salariat n’est remit en cause. A aucun moment la marchandisation de nos vies et de notre force de travail n’est critiquée. Notons tout de même l’initiative proposant aux travailleurs de devenir propriétaire de leur entreprise et ainsi participer à leur propre exploitation. La Dissidence n’a sur ce sujet pas grand-chose à envier aux mouvements alter-mondialistes pseudo-anticapitalistes qui n’ont qu’un mot à la bouche (taxe), ce qui permet de réguler les conséquences visibles du capitalisme pour mieux le pérenniser. Le capitalisme est malade, qu’il crève, et le monde de merde qui va avec. Un monde basé sur l’exploitation, la domination et le pouvoir.

Vers une société neo-fasciste

En lisant un peu plus loin que les quelques propositions destinées à faire plaisir aux éventuels bobos adeptes de la secte, on peut lire dans cette deuxième partie quelques douces injonctions :

« Moraliser la société ». Quelle morale ? Vraisemblablement celle où être homosexuel sera considéré comme être socialement déviant (sic) pour ne pas dire aliéné. De ce point précis s’est dégagé un débat des plus gerbants, avec là encore des positions totalement opposées de la plus bien-pensante (« la pornographie c’est pas très très bien quoi… ») à la plus dégueulasse (« la prostitution est une liberté comme les autres »). Il est vrai que le fait de vendre son corps relève forcément d’un libre choix allant dans le sens de l’épanouissement de l’individu (non, la prostitution ne touche pas que les femmes)… La bêtise humaine n’a décidemment plus de limite. Nous invitons chaleureusement ces derniers à se lancer à la recherche de culture et de savoir social, et accessoirement d’un encéphale au rabais. Cela dénote tout de même une chose : le cantonnement à rappeler sans cesse la définition de « dissidence » sans se soucier ni de ce que véhicule le mouvement, ni du fait qu’il puisse ou non être défini comme tel.

Mais peut-être que nos « dissidents » sont plus occupés à réfléchir au sujet du retour des coups de règles sur les doigts, à la sacralisation de l’enseignement, le faisant reculer d’un bon siècle. Qu’elle sera belle l’école de la discipline où l’on formate de bon petits « citoyens » prêts à défendre corps et âme cette superbe liberté républicaine. Qu’il sera beau l’enseignement supérieur qui préparera au mieux nos con-citoyens à devenir de bons petits travailleurs à la solde du capital. Vous avez dit « changement » ?

Il serait difficile d’exprimer la haine qui surgit soudain en lisant ces quelques propositions, notamment la suivante. Il serait évidemment trop leur demander de savoir en quoi un individu qui n’a demandé ni d’Etat-nation, ni de république liberticide, ni de société de domination, et les rejette même en bloc, aurait quelque devoir que ce soit envers qui que ce soit, en particulier envers l’Etat. Non contents de bénéficier actuellement d’une journée de formatage républico-militariste imposée à tous les jeunes, nos nostalgiques de la patrie entendent les éduquer par l’intermédiaire de la réinstauration du service militaire. Qu’ils prennent garde à ce que le peuple apprennent à se servir des armes si ça leur chante. Nous pensons simplement qu’ils pourraient bien le regretter.

Vient ensuite la petite proposition réactionnaire subtilement introduite qui voudrait placer la femme au centre de l’éducation. « La mère au foyer », en fait, pour mieux faire passer la pilulle. Nous ne perdons pas espoir qu’après le statut spécial pour Madame viendra le cadeau de Noël. Au choix, aspirateur ou planche à repasser. Rien de surprenant cependant, après normalisation et hiérarchisation de la sexualité, de lire ici ou là quelques phrases bien senties de différenciation des genres et renouveau des valeurs familiales. Chacun à sa place et les moutons seront bien gardés. Notons que se dire laïc et perpétuer 2000 ans d’éducation religieuse oppressive est une contradiction (une de plus) relativement savoureuse, bien que triste.

Il est bien évident qu’aucun de ces petits soldats de la Dissidence n’a non plus tenté d’avoir une réflexion approfondie sur la pénalisation, la punition ou la prison, reflets de la société et liés à elle par un besoin réciproque. La prison reconstitue la société entre ses mûrs de manière décuplée, la société étant elle-même une prison. Il est tellement plus simple et confortable de s’attaquer aux conséquences plutôt qu’aux causes, cela donne l’illusion qu’en mettant à l’écart tout ce qui est considéré comme « déviant », tout ira mieux. Même si nous ne défendons par là ni le meurtre, ni le viol, ni aucun autre acte de domination constituant à lui seul tout un programme politique, nous ne doutons pas que nos paroles sur ce point seront détournées ou dépossédées de leur sens, par ignorance du sujet ou par facilité d’analyse. Fascistes dissidents, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

La conclusion de cette seconde partie bien plus précise sur les véritables intentions s’énonce d’elle-même. Rien ne justifie d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Nous ne voulons pas de leur ordre hiérarchisé, nous ne voulons pas de leurs défécations militaires, nous ne voulons pas de leur société apte à différencier ce qui est normal de ce qui ne l’est pas. Mort aux normes imposées.

Nous ne jugeons pas utile de revenir sur la psychologie renfermant l’idéal citoyen et Républicain, déjà largement disséqué, bien que nous notons ci et là quelques nouvelles intentions de chasse aux sorcières afin de dénicher l’ennemi intérieur et rassurer. Il y a bien d’autres choses encore qui nous donnent des hauts de cœur. Nous ne citerons que la main tendue aux milices du capital, celles-là même qui enferment nos camarades pour avoir défendu leur habitat contre le capitalisme, pour avoir laissé libre cours à leur imagination sur les mûrs de la machinerie oppressive, pour être dépourvus de bout de papier de la couleur adéquate synonyme d’existence dans notre société. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise milice. Il n’y en a qu’une, celle du capital et de l’Etat. L’engagement s’y fait par pure conviction, pour que surtout rien n’arrive, et rien ne change.

En toute cohérence cela dit, ce manifeste ne devrait pas exister puisque l’on nous vante la création de la démocratie parfaite. En toute cohérence toujours, le peuple lui-même devrait décider de ce texte, et non une poignée de néo-militants en mal d’engagement politique, d’analyse et de réflexion. (En espérant que cela leur donnera mal à la tête assez longtemps pour qu’on soit un peu pénards).

Les voilà fin prêt.es, en quête d’exclus de la société pour distribuer au passage quelques Bibles et faire un peu de récupération. Lorsque nous tendons la main aux exclus et aux démunis nous n’avons pas besoin d’étiquette, nous ne cherchons pas à nous faire de la publicité, nous prenons garde à ne jamais instrumentaliser quelque lutte sociale que ce soit. Quand de luttes sociales il n’y aura plus besoin, nous pourrons danser dans la rue en jouissant de cette liberté nouvelle. Quand de luttes sociales il n’y aura plus besoin, une poignée de fascistes continueront à distribuer leur Sainte parole nauséabonde pour nous proposer un nouvel endoctrinement.

Nous n’appelons à rien. Nous ne prévoyons rien pour la totalité de la population. Nous n’avons pas de programme. Nous ne proposons rien, mis à part la fin de ce monde pourri où la libre coopération des individus a laissé place à la concurrence illimitée dans tous les domaines entre les êtres humains. Partout où l’obligation et le devoir pointeront le bout de leur nez, nous les dénicherons et les dénoncerons. Quelque soit la forme que prendra le fascisme nous le chasserons avec toujours plus de virulence. Ni maîtres, ni décideurs.

ALERTA, ALERTA ANTIFASCISTA !

Des anarchistes.


[1]La Dissidence veut convier : « Claude Bourguignon et l’AMS, Colibri et Pierre Rabhi, Scop Le Pavé et Franck Lepage, Kontre Kulture de ER et Alain Soral, Pierre Hillard, Parousia et Laurent James, François Asselineau, Seb Musset, La dissidence et Vincent Vauclin, Le Planc C et Etienne Chouard, La Chute… et Salim Laïbi « LLP », Michel Drac, Pierre Jovanovic, Franck Abed, Jean-Paul Bourre, Gérard faure-kapper d’APPLOMB. La banlieue s’exprime et Saïd Moualek, Le Mouvement Vers Rien et Dieudonné, Denissto, Johan Livernette, Kokopelli, Albert Ali, Confédération Paysanne, représentants d’AMAP et de SEL, repésentants d’Eco-Villages, Corine Goujet, Coline Serreau, Franck Nathié (permaculture), Claire Séverac, Anne -Lacroix-Riz, Hervé Kempf, Pierre Carles, Emmanuel Todd, Jean Claude Michéa, Paul Jorion, Olivier Delamarche, Alex Jones, Nigel Farage, James Turk… Les représentants et satellites de Mécanopolis, des moutons enragés, Scriptoblog, Mécanoblog, Les insoumis, les moutons enragés, Radio Ici et Maintenant, Présence citoyenne et Omar Djelil, Nous Échouerons Vainqueur, Paul-Eric Blanrue, Pierre Carles, Jean-François Noubel, Investig’action, Réseau Voltaire, S&P et Cheminade, Nemesis Tv, Independenza Web Tv, LIESI, médiapart, conspipédia, press of truth, alwissal, le site « le nouvel ordre mondial » et le blog « Anti nouvel orde mondial », Sytinet, planète révélations, …. »  Voir sur son site : forum-convergences.com/t291-organiser-les-assises-de-la-dissidence-dans-les-meilleurs-delaisprojet-prioritaire

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Aux sources de la conspiration

Nous publions ci-dessous une analyse très pertinente sur les sources et les origines du conspirationnisme, en provenance du collectif Luftmenshen.

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Andreas Breivik prétendait que les musulmans étaient le plus grand mal de la Terre et qu’ils avaient été amenés à la toute-puissance par les communistes depuis 1945.

Mais lorsqu’il a choisi de passer à l’acte, Andreas Breivik n’est pas allé flinguer le président de la Corée du Nord. Il n’a pas non plus ciblé un dirigeant musulman.

Andreas Breivik est allé tuer des jeunes gens venus assister et participer au camp organisé par un parti social-démocrate. Des jeunes gens qui pour la plupart étaient gamins ou même pas nés pendant la période à laquelle le tueur fasciste fait référence.

Pendant toutes ces années de réflexion et d’élaboration de son plan, pas un seul instant, Brevik n’a pensé à aller rejoindre les partisans de ses théories qui pullulent de par le monde : il n’est pas allé se battre en Tchétchénie, en Serbie ou ailleurs. Forcément, cela l’aurait mis dans une situation tout à fait différente, armé…mais contre d’autres hommes armés, pas contre des jeunes gens dont beaucoup étaient en maillot de bain.

Pourtant, Breivik se définit comme un chevalier, fait référence à l’ordre des Templiers. Sans avoir un seul instant, toutes ces années, réfléchi au ridicule monstrueux mais ridicule quand même de sa comparaison. Breivik n’a vu aucun souci à mener ce qu’il appelle une « croisade », en parcourant quelques dizaines de kilomètres, pour combattre contre ses compatriotes désarmés.

Dans l’imaginaire du jeune fasciste, il est un combattant courageux, et rien ne le fera douter de ça.

Le manifeste d’Andreas Breivik fait 1500 pages. De fait, la longueur, les redondances, les références innombrables à des théoriciens multiples, mais aussi les digressions sur une anecdote constituent une caractéristique commune de ce manifeste avec une littérature qui a connu beaucoup de succès ces dernières années : le pamphlet conspirationniste, sous forme d’écrit ou de vidéo, et quel que soit son contenu précis est toujours extrêmement long.

Pourquoi cette longueur ? Pour en avoir une idée, on peut par exemple, se pencher sur l’ « explication » donnée par Alain Soral de la tuerie d’Oslo. Pour tous les fascistes qui ne sont pas prêts à assumer les tueries de masse dans l’immédiat, l’affaire Breivik était évidemment un peu gênante. Il fallait donc qu’elle ne soit pas ce qu’elle paraît et même l’inverse de ce qu’elle paraît.

Pendant de longues minutes, Alain Soral va parler du sionisme, de l’affaire DSK, de la guerre en Libye, de tout sauf de l’extrême-droite pour en arriver finalement à cette conclusion : les attentats d’Oslo fragilisent Marine Le Pen, il s’agit donc d’un complot du système contre le Front National.

Comment est-ce possible, quels sont les faits qui permettraient de relier Breivik à des « agents du système » ? Soral ne pose pas cette question et n’y répond pas. Il se fonde simplement sur d’autres complots antérieurement bâtis par lui-même, dans lesquels le « système » mettait Marine Le Pen en avant parce qu’ainsi la victoire était assurée pour le candidat du « sionisme international », DSK, en 2012. Celui-ci ayant eu quelques problèmes, le « système » a dû changer ses plans : il fallait faire baisser Marine Le Pen dans les sondages, et pour ce faire la décrédibiliser avec un attentat  commis par un soi-disant militant d’extrême droite…en Norvège.

Résumée en quelques lignes, la thèse de Soral est évidemment totalement absurde : mais toutes les thèses conspirationnistes le sont de la même manière, pas seulement dans leur désignation d’ennemis imaginaires qui sont parfois carrément des extraterrestres ou des immortels à la Highlander, mais dans le comportement imputé à ces ennemis imaginaires. L’exemple le plus monstrueux mais aussi le plus probant est celui du complot sioniste élaboré dès le 19ème siècle et qui aurait trouvé son aboutissement avec la création de l’Etat d’Israel, après que les « sionistes » aient objectivement soutenu le nazisme pour se faire passer pour des martyres. Prenons un instant pour argent comptant ce que pensent les fascistes des Juifs : des hommes très intelligents connectés entre eux comme aucun autre peuple ne l’est, ayant à leur disposition des moyens qu’aucun autre peuple n’a, l’argent et le contrôle des hommes politiques partout dans le monde depuis deux millénaires.

Avec toute cette puissance, toutes ces possibilités, ce peuple ne trouve pas d’autre méthode pour obtenir un bout de terre somme toute assez petit que de mettre au pouvoir les nazis dont même les négationnistes s’accordent à dire qu’ils ont persécuté les Juifs et leur confisqué leurs biens matériels ? Ce peuple , contrairement à toutes les autres nationalités qui ont émergé au 19ème siècle et exigé un Etat, n’a pas d’autre solution que provoquer son propre massacre pour obtenir ensuite réparation ?

Et pourtant ça marche. Et pourtant, démonter point par point ces théories absurdes n’a absolument aucun effet sur celui qui est entré de plein pied dans la logique conspirationniste.

Nous ne parlons pas ici de ceux qui la propagent pour leurs propres intérêts politiques et n’y croient pas eux-mêmes un seul instant. Mais de tous ces gens qui n’en ont visiblement aucun, et pourtant deviennent un jour des convaincus définitifs que plus rien n’ébranlera.

Ces dernières années, nombreux sont ceux, à gauche et à l’extrême-gauche qui ont vu des camarades sombrer et changer irrémédiablement, pour finalement se retrouver côte à côte avec des militants clairement membres de cette extrême-droite qu’ils avaient affirmé combattre depuis des années.

Nombreux sont ceux qui font aujourd’hui cette amère expérience après avoir écrit un article qui pointe objectivement l’appartenance de tel ou tel mouvement conspirationniste à la sphère fasciste, qui recense toutes les preuves montrant que tel militant fréquente des néo-nazis ou des membres du Front National. La démonstration n’a jamais l’effet attendu : l’ex-camarade devenu conspirationniste n’est pas horrifié par ces révélations, il ne subit aucun choc particulier, il ne se remet en cause sur rien. Au contraire, c’est généralement à ce moment-là qu’il rompt définitivement les liens avec son ancien camp et décide que l’ennemi est désormais l’antifasciste. C’est à ce moment qu’il assume totalement d’être ce qu’il est devenu depuis longtemps, un militant du fascisme.

Lorsqu’en 1941, la Shoah par balles commence en Pologne et se poursuit tout au long de l’avancée allemande en Russie, les Einsatzgruppen, composés de nazis convaincus et formés ne seront pas les seuls exécutants des massacres de masse, pas les seuls à tuer dans la même journée , un par un, tous les habitants d’un village, les hommes, les femmes, les bébés et les vieillards.

En renfort, des réservistes qui jusqu’ici n’ont même pas participé à la guerre en tant que telle, sont envoyés sur le front de l’Est : ces hommes, pour beaucoup, ont la quarantaine et n’ont donc pas éduqués dès leur plus jeune âge par l’appareil d’Etat nazi, beaucoup d’entre eux ne sont pas membres ou alors membres très récents du NSDAP.  Pourtant quelques semaines après leur arrivée, tous sans exception participeront physiquement aux tueries de masse, alors même que le choix leur est laissé de ne pas le faire.

Les officiers de l’encadrement nazi, avant les massacres prennent soin de leur expliquer la « raison » de ces massacres de civils : les Juifs ont provoqué collectivement la guerre, les Juifs sont prêts à tout  pour éradiquer les aryens, les enfants sont des fanatiques encore plus dangereux que leurs parents, car le soldat allemand s’en méfiera moins et se laissera tuer par surprise.

Les recherches sur cette partie de l’extermination n’ont eu lieu que dans les années 90 , et elles ont provoqué un immense débat en Allemagne et ailleurs : notamment parce qu’elles mettaient en lumière une réalité difficilement supportable : le nazisme et sa dimension exterminatrice n’était pas seulement incarnée par des fanatiques. A un moment quelque chose s’était produit dans la conscience collective, quelque chose qui allait amener des gens ordinaires à tuer massivement, eux qui n’avaient jamais tué, et pas dans le cadre d’une guerre face à des hommes armés, mais dans le cadre de massacres commis sur des civils sans défense. Pas lors de bombardements qui éloignent la vision de la mort, mais lors de journées entières passées dans sa réalité concrète, le sang et les hurlements d’une victime après l’autre.

Entre la croyance et le besoin absolu de faire comme si l’on croyait, la frontière est parfois très floue. Lorsque le bénéfice qu’on croit retirer de l’appartenance à un groupe donné nous paraît essentiel, et que cette appartenance est conditionnée à l’adhésion à certains principes, à certains comportements qui en eux même sont visiblement barbares, l’existence d’une justification devient impérative.

La grotesque théorie du complot qui aurait impliqué même les enfants Juifs était cependant la seule qui permette, même de manière démente de justifier leur assassinat. Et refuser de tuer ces enfants, c’était pour le réserviste allemand s’exclure de la communauté nationale, et pas idéologiquement, mais immédiatement, se retrouver brusquement séparé de son unité en temps de guerre, dans un pays étranger, rapatrié ensuite mais de manière humiliante.

Dans ce contexte, la question de l’absurdité de la théorie elle-même n’avait évidemment pas la moindre importance, au regard de ce qu’elle apportait en étant partagée publiquement par les hommes d’une même unité : en scellant la déshumanisation totale des victimes, réduites aux parties d’un tout défini comme le mal absolu, elle évitait toute remise en cause aux bourreaux, concernant leur propre humanité et la portée de leurs actes.

Nous ne sommes pas en 1941, et les adeptes du conspirationnisme ne sont nullement confrontés au choix et à la situation des allemands réservistes face à l’extermination des juifs.

Pourtant, en Norvège, un jeune homme parfaitement ordinaire, qui avait grandi dans une société pacifiée où la violence physique n’est pas quotidienne, a lui aussi pu tuer l’un après l’autre pendant presque une heure, des dizaines de personnes, une par une, dont de nombreux adolescents, soutenu par une logique similaire à celle de ces réservistes allemands, une logique qui organisait le monde autour d’une nouvelle morale, excluant de fait une partie de l’humanité, une logique qui décrétait une guerre en cours et désignait l’ennemi en ces adolescents, un ennemi bien pire en maillot de bain qu’en uniforme, justement parce qu’il n’est pas ce qu’il paraît être.

 

Cette phrase là est le soutènement de toutes les théories du complot, et elle vise ouvertement l’ « ennemi », mais ce n’est pas sa seule signification. La deshumanisation de l’autre n’est pas sa seule fonction.

Revenons à Alain Soral. Si la théorie du complot « sioniste » est fausse, alors la biographie du monsieur est bien creuse : chroniqueur de « tendances » dans les années 80 et 90 , acteur occasionnel, capable de regrouper ses chroniques sur la mode ou les femmes en un bouquin en y ajoutant quelques transitions vaseuses, réalisateur d’un unique film sur la drague unanimement considéré comme raté, invité très secondaire des talk-shows comme faire valoir de sa sœur plus connue, ou pour meubler un peu le vide entre deux stars chez Ardisson, Alain Soral comme tant d’autres intermittents de la télé a raté le virage des années 2000. Les candidats à la médiocrité médiatique sont nombreux, la concurrence est rude.

Mais Alain Soral, contrairement à tous ces autres types tombés dans l’oubli, n’a pas été victime de la logique médiatique du bouffon jetable et interchangeable, une logique qui ne vient pas de tel ou tel patron de télé, mais du fonctionnement même des entreprises télévisuelles. Alain Soral est une victime du « complot sioniste » et cela change tout.  

Ou plutôt il le dit et ça change tout.

Peu importe que Patrice Drevet ou Laurent Petit Guillaume n’aient pas fait de sorties antisémites et aient également été écartés du petit écran, peu importe qu’Alain Soral ait planté sa carrière bien avant ses sorties antisémites.

La logique conspirationniste réécrit tout, et notamment le passé, elle révèle le sens caché des vies qui sans elle, trouvent des explications moins glorieuses.

Dans Mein Kampf, le Juif tout puissant et animé d’un dessein maléfique fait des pérégrinations misérables et banales du jeune Adolf Hitler, de son ratage politique et de son coup d’Etat avorté semblable à mille autres, une épopée fantastique et courageuse face à l’ennemi.

Le même Juif fait de l’ascension ratée du petit bourgeois en crise Alain Soral la même chose, car le Juif est celui qui a repéré ce que personne d’autre n’avait vu, un homme exceptionnel chez ce chroniqueur opportuniste et vide. Les « sionistes » qui sont « derrière chaque divorce » avaient déjà vu que les sorties de Soral sur ces salopes de bonnes femmes qui aiment les durs, n’étaient pas ce qu’elles paraissaient être, de la vulgarité banale, mais une remise en cause de l’Empire du Juif, qui flatte les femmes pour mieux castrer leurs hommes.

Si l’on associe souvent fascisme et crise capitaliste, peut-être reste-t-on trop dans l’économisme, dans le constat des difficultés quotidiennes de la majorité de la population, qui les amène à choisir le camp fasciste. Mais il faut comprendre qu’un licenciement n’est pas juste la perte d’un salaire, que l’impossibilité de construire une carrière, d’acheter une maison à crédit ou autre, n’est pas seulement une frustration matérielle, qu’elle entraîne une crise du sens de la vie, tout simplement.

De même au sein du mouvement ouvrier organisé et de la gauche progressiste qui regroupe aussi des membres de la couche moyenne, la crise se matérialise par une offensive bourgeoise qui ne détruit pas seulement les droits sociaux acquis lors de périodes antérieures du combat de classe. La bourgeoisie s’attaque frontalement au mouvement, qui pour une grande part avait pris l’habitude d’une certaine reconnaissance sociale de sa part, notamment dans ses couches supérieures.

Le militant syndicaliste, habitué à être écouté à défaut d’être entendu n’est plus rien, le militant droit de l’hommiste ou réformiste , qui était considéré comme « représentant » d’une partie de la société est raillé et décrédibilisé comme ringard , décalé et inutile face aux « nouveaux enjeux de société ».

La crise capitaliste est aussi ce moment où la bourgeoisie décide qu’accorder aux prolétaires l’illusion d’être des individus maîtres de leur destin est quelque chose qui coûte trop cher. Ce moment où chacun est ramené à la réalité brutale des rapports sociaux qui permettent la perpétuation du système, ou l’égalité entre les hommes est au mieux une fiction fragile.

La conscience de classe qui en découle est d’abord une conscience négative, par conséquent, elle n’amène pas automatiquement la naissance d’une démarche de révolte positive.

Il n’y pas de fierté prolétaire en soi, et lorsque la bourgeoisie nous ramène brutalement à la réalité de la condition d’exploité, le premier réflexe est certes la haine de l’exploiteur, mais aussi la haine de soi, mais aussi l’envie d’appartenir à la classe qui a un statut social enviable.

La joie du combat avec les autres exploités, le sentiment merveilleux d’estime de soi et des autres qui naît dans la lutte ou l’on apprend la solidarité, ou la construction collective fait éclore de nouvelles structures sociales fondées sur des valeurs positives est quelque chose qui doit être éprouvé pour devenir réel à nos yeux.

Mais cela nécessite un premier pas, celui de l’entrée en lutte et des conditions extérieures, la proximité d’une lutte. Entrer en lutte, c’est toujours mettre en jeu le peu qu’on a à perdre, une stabilité de plus en plus illusoire et temporaire de la vie quotidienne.

Pour toutes ces raisons, une partie des prolétaires ne franchit pas le pas, et reste bloquée au stade de la haine, haine du système perçu comme injuste, mais aussi haine de soi, et sentiment d’avoir raté sa vie.

Une autre partie se retrouve dans les structures du mouvement social, de la gauche ou de l’extrême gauche constituée : mais celle-ci, dans la période de crise du capitalisme actuel se retrouve dans un état de faiblesse extrême. Sa structure et sa logique correspondent à une période antérieure de la lutte des classes, celle où la bourgeoisie accordait encore une grande importance au maintien d’une certaine paix sociale, et en conséquence accordait certaines concessions aux « représentants » souvent auto-proclamés du mouvement ouvrier. Ce modèle n’existe plus, mais la gauche fait comme si et subit donc défaite sur défaite. L’ambiance dans ces structures est donc tout aussi déprimante que celle de la société en général.

Face à l’impuissance, la théorie conspirationniste offre le fantasme de la puissance : quelles que soient ses variantes, elle offre l’apparence de la révolte réussie, sans pour autant nécessiter une remise en cause de soi.

Toutes les théories du complot offrent sur un plateau, à la fois un ennemi surpuissant et vague qui permettra de justifier tous les échecs, et dans le même temps des « représentants » de l’ennemi facilement attaquables parce qu’ils appartiennent à des minorités déjà dominées dans le système capitaliste.

Dans l’univers de la conspiration, le camp du Bien est constitué de tous ceux qui dénoncent l’Enne mi, et le dénoncer suffit à être exempté de toute interrogation sur son propre camp. Tout ce qui est « mal » en ce monde vient de l’Ennemi, pas de nos propres actes, et au-delà, le Mal ne peut exister en dehors de l’Ennemi. Ce qui n’est pas l’Ennemi, est le Bien, et c’est tout.

On le voit très bien dans les théories du complot « sioniste » ou  « islamiste ».

Dans les deux cas, l’adhésion au conspirationnisme va toujours de pair avec le rapprochement concret avec diverses émanations du fascisme organisé ou de l’intégrisme religieux.

Le complot « Juif » ou « sioniste » est le sas presque obligatoire pour celui qui va se ranger aux côtés des dictatures de l’islam politique ou des régimes populistes sud-américains. Grâce à la théorie du complot « sioniste», tout énoncé des faits sur les atrocités commises par ces régimes devient soit un mensonge, soit une manœuvre destinée à salir le camp des Résistants. Et si l’adepte du conspirationnisme veut bien admettre que ces régimes ne soient pas tous « blancs », il le justifiera toujours par le fait que l’Ennemi sioniste ou Juif a créé la situation de guerre initiale qui amène ces quelques « excès ».

De même le complot « islamique » va permettre au locuteur qui l’énonce de pouvoir tenir exactement le même discours raciste qu’un fasciste classique et de collaborer avec ces fascistes assumés, mais toujours au nom de la lutte contre ce Mal absolu que personne ne voit et qui justifie tout.

Le fascisme est la structure politique qui correspond à la forme la plus brutale du capitalisme, le conspirationnisme est le mécanisme par lequel une partie du prolétariat va être amené à soutenir cette structure politique.

Le conspirationnisme est la forme la plus aboutie de ce que certains appellent l’anticapitalisme romantique.

Dans le cadre de la théorie conspirationniste, l’oppression des minorités, matérialisée par la violence quotidienne, physique et verbale contre ces minorités devient un acte de révolte et de résistance contre le « système ». Par un renversement du sens absolu, la guerre de tous contre tous, pilier du capitalisme remplace la solidarité universaliste, fondement du véritable mouvement ouvrier.

Dans le cadre de la théorie conspirationniste, le prolétaire qui s’en prend à d’autres prolétaires, ceux-là même qu’on lui désigne, ceux-là même qui sont déjà les boucs émissaires des politiques, n’est plus un lâche et un barbare, il est celui qui a tout compris et s’attaque à l’ennemi « véritable ».

Dans le cadre de la théorie conspirationniste, celui qui se range du côté des forts et de la bourgeoisie, devient celui qui fait acte de courage devant l’Ennemi.

Pour toutes ces raisons, faire une différence théorique et pratique entre les fascistes et les « conspis », néologisme apparu récemment à l’extrême-gauche , ce n’est pas faire autre chose que souscrire en partie à la théorie conspirationniste, et admettre que les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent, et que certains fascistes ne sont pas « vraiment » des fascistes.

Il n’y a aucune différence entre celui qui s’attaque à une femme voilée parce qu’il pense que c’est une sale Bougnoule et celui qui s’y attaque en prétendant le faire parce qu’elle serait membre d’une confrérie d’innombrables venue sciemment attaquer l’Occident.

Il n’y a aucune différence entre le nazi qui justifie les chambres à gaz et l’extermination du passé, et  l’apprenti négationniste qui met en doute certains « détails » de l’histoire et la bonne foi des victimes, pour justifier les persécutions antisémites du présent.

L’antifascisme ne peut consister seulement à démontrer les proximités entre les fascistes et les conspirationnistes, car ce discours seul ne fait que légitimer la théorie conspirationniste, en faisant comme si elle n’était pas à proprement parler une théorie fasciste.

Le conspirationnisme n’est pas une passerelle vers le fascisme, et ceux qui défendent ces théories ne sont pas à la croisée des chemins entre la révolution sociale et le ralliement au fascisme, ils sont déjà arrivés au bout de la route, ils sont des fascistes comme les autres.

Andreas Breivik n’a pas tué des dizaines de personnes, parce qu’il aurait été convaincu par son propre manifeste.

Andreas Breivik a écrit ce manifeste parce qu’il était déjà certain de vouloir tuer des dizaines de personnes, et qu’il avait besoin d’une théorie qui justifie la barbarie et la lâcheté.

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Alain Soral à Rennes le 1er octobre ? Hors de question !

Nous publions ci-dessous un appel du collectif AntifaBZH à aller manifester le 1er octobre contre la venue d’Alain Bonnet de Soral à Rennes. Cette analyse complète efficacement notre boîte à outils anti-Soral.

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Alain Soral à Rennes ?

Hors de question !

Le 1er octobre, l’association d’extrême-droite Égalité & Réconciliation organise une conférence conjointe d’Alain Soral et Hassan Iquioussen à Rennes.

Ancien membre important du FN, au comité central duquel il a siégé en 2007, Alain Soral s’est lancé dans une quête qui pourrait faire sourire tant elle paraît incroyable : amener la population française d’origine immigrée à voter Front National.

Cet apparent mélange des genres masque un propos qui, s’il est à la fois brumeux et fluctuant, conserve l’essentiel des caractéristiques de l’extrême-droite française classique. Quelques simples citations du personnage devraient suffire à le positionner politiquement une bonne fois pour toutes.

Raciste : quand Soral n’est pas en train de s’en prendre aux maghrébins et aux africains (« on ne dira jamais assez à quel point la maghrébisation, l’africanisation […] de la France ont fait baisser vertigineusement le niveau de civisme et de civilité de la population française »[1]) ou de s’attaquer aux gens du voyage (« le pittoresque voleur de poules [s’est transformé] en braqueur surarmé réputé pour son goût du sang »[2]), c’est parce qu’il est trop occupé à expliquer à qui veut l’entendre que les juifs veulent dominer le monde[3].

Sexiste : dans Sociologie du dragueur, Alain Soral se complait au fil des pages dans la plus écœurante misogynie, quand il ne qualifie pas tout simplement les violeurs de « malheureux » ayant échoué par manque de technique à faire dire « oui » à sa victime du sexe opposé[4]. Un sexe qu’il inventorie ainsi dans son ouvrage : mères, jeunes filles, pétasses, bonniches, bourgeoises, folles (mystiques et salopes), femmes de trente ans, dragueuse, flippées, travailleuses et autres féministes. Histoire d’être bien clair : « [p]uisque vous savez maintenant que pour l’amener au plaisir il fallait la forcer un peu, pourquoi changer de méthode à deux doigt du bonheur ? […] plus vous entrerez sèchement, plus votre sentiment de la pénétrer sera fort […] quant à elle, son plaisir étant parent de la douleur, croyez qu’elle appréciera aussi ce surcroît de virilité. »[5].

Homophobe : au « macho » qu’il réhabilite, en tant qu’« homme qui respecte sa mère, qui protège sa femme et se sent responsable de ses enfants », Alain Soral oppose « les demi-fiottes d’aujourd’hui »[6] véhiculant « le sida, maladie d’enculés »[7]. Plus enclin à taper sur les homosexuels hommes, il n’oublie cependant pas les lesbiennes en parlant d’ « [h]ommasse névrosée qui passe son temps à reprocher aux hommes le peu de féminité qui leur reste »[8].

Néo-libéral : dans Comprendre l’Empire, Soral se lance dans une violente charge contre les chômeurs, qu’il qualifie de « parasites » et de « rentiers du bas » vivant dans l’oisiveté au détriment de « la classe moyenne productive, la plus ponctionnée par l’État »[9].

Alors quoi ? On s’embrasse ?

Soral et sa clique appellent de leurs vœux une ridicule « réconciliation nationale » entre population d’origine immigrée et FN, mais donnent en parallèle dans leurs écrits la liste des victimes réelles de ce petit jeu : Juif ou Arabe, lesbienne ou homosexuel, femme, pauvre, immigré …

À l’heure où les idées du Front National paradent déjà largement à l’Élysée, il est plus que jamais nécessaire de dénoncer systématiquement l’extrême-droite. La « réconciliation » qu’elle propose n’est qu’une division des classes populaires : face aux attaques du gouvernement et du patronat, c’est collectivement et  par la solidarité internationale que nous devons répondre.

Parce que nous sommes antiracistes, parce que nous sommes antisexistes, parce que nous croyons que chacun est libre de son orientation sexuelle et, surtout, car nous sommes contre le projet de société proposé par l’extrême droite, nous nous opposons à la venue d’Alain Soral à Rennes.

Parce que nous refusons que racisme et xénophobie soient utilisés pour détourner notre attention du terrain des luttes sociales, nous appelons à un large rassemblement antifasciste, au-delà de ce simple événement ponctuel.

Parce que nous savons que seul le mouvement social permet de lutter efficacement contre les racines de la xénophobie nous appelons tous ses acteurs à nous rejoindre pour ne céder ni ici, ni ailleurs, le moindre pouce de terrain à l’extrême-droite.

Contre toutes les extrême-droites

Manifestation unitaire

Le samedi 1er octobre

à 17h00 place de la mairie à Rennes

Télécharger le Tract manif 1er octobre

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La conférence a finalement été annulée. Voici le communiqué publié sur AntifaBZH le 6 octobre 2011 à ce sujet :

Le Collectif Antifasciste Rennais organisait ce samedi 1er octobre une manifestation, initialement contre la venue d’Alain Soral et Hassan Iquioussen.

Cette manifestation est pour le Collectif une réussite – au-delà des 200 manifestants et manifestantes présents-es – sur plusieurs plans.

En premier lieu, et c’est important, elle a permis que cette conférence de l’organisation d’extrême-droite Égalité & Réconciliation n’ait pas lieu. Ce qui démontre à la fois le manque d’organisation et, plus simplement, l’absence de bases réelles de ce groupe dans la région.

Ensuite, cette mobilisation est une réussite car elle a permis de faire un pas supplémentaire dans la nécessaire (re)mise en avant de la lutte antifasciste – dans une période marquée par la crise et les contradictions d’un système économique qui génère un développement des extrême-droites pour le défendre. Pas supplémentaire puisque, une fois de plus, le Collectif Antifasciste a montré qu’il pouvait regrouper plus largement que lui. Il reste à poursuivre cette démarche unitaire.

D’ores et déjà, le Collectif Antifasciste Rennais pose deux perspectives.

D’une part, maintenir la vigilance et être prêts à se remobiliser si la conférence était de nouveau programmée à une autre date.

D’autre par, car à l’action de rue nous combinons la réflexion et l’analyse politique, un débat est prévu d’ici quelques semaines pour échanger plus sereinement sur la question.


[1]Alain Soral, Abécédaire de la bêtise ambiante, Jusqu’où va-t-on descendre ?, Pocket, Paris, 2003, p. 42.

[2] Ibid., p. 149.

[3]Pour une allusion évidente à la prétendue volonté des juifs de dominer le monde – c’est nous qui soulignons -, voir Alain Soral, Comprendre l’Empire, Éditions Blanche, Paris, 2011, p. 72 : «Pilotés de New York, habités d’une idéologie faite de volonté de puissance, de violence destructrice et de mépris social puisé à l’Ancien testament, c’est cette vision du monde et ce processus que nous appelons : Empire.»

[4] Alain Soral, Sociologie du dragueur, Editions Blanche, Paris, 1996, pp. 110 et 113.

[5] Ibid., p. 113.

[6] Jusqu’où va-t-on descendre ?, op. cit., p. 161.

[7] Sociologie du dragueur, op. cit., p. 88.

[8] Jusqu’où va-t-on descendre ?, op. cit., p. 150.

[9] Comprendre l’Empire, op. cit., p. 142.

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Des dégâts du conspirationnisme…

Vu sur la webTV conspirationniste Independenza WebTV, une « citoyenne » atteinte de « conspirationite » aiguë, lors du dernier défilé parisien du 1er-Mai :

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=iu46WM-lzbM]

« Le nouvel ordre mondial, c’est de la merde sataniiiiique !!! »

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Convergence énergétique : mystiques et conspirationnistes au taquet

On le sait : le mouvement écologiste, et singulièrement sa frange décroissanciste, n’est pas du tout imperméable aux thèses conspirationnistes, voire aux discours fascisants. Une situation d’autant plus déplorable que jamais sans doute les luttes dont ces mouvements sont porteurs n’ont été aussi indispensables à l’avenir de l’humanité. Exemple ci-après.

Une équipe de la radio libre parisienne Fréquence Paris Plurielle (FPP, 106.3 FM) est allée couvrir le rassemblement anti-gaz de schiste dit « Convergence citoyenne pour une transition énergétique » qui a eu lieu à Lézan dans le Gard à la fin du mois d’août. C’est avec un grand étonnement qu’elle a découvert sur place un étrange mélange des genres : à côté des organisations institutionnelles telles que Greenpeace, la Criirad, etc., le groupe des « Guerriers de l’Arc-en-Ciel » (dit aussi « La Marche du Vivant ») occupait un rôle-clé dans la logistique. Or, les pratiques mystiques new-age et le caractère sectaire du fonctionnement de ce groupe ont tout de suite sauté aux yeux des membres de l’équipe radiophonique, alors que la présence de ces hippies new look ne semblaient pas poser de problème majeur aux militants locaux.

Parallèlement, les reporters de FPP relatent la présence massive d’autocollants du mouvement Zeitgeist, qui avait appelé ses membres à se rendre sur place peu de temps auparavant, lors de ses rencontres d’été. Il ont aussi pu rencontrer l’« ontologue » Frank Hatem, promoteur de l’« hyperscience », d’un moteur à mouvement perpétuel et auteur d’un livre récent sur la nécessité de combattre les « Illuminatis » et les « Reptiliens ». Bien évidemment, de petits médias conspirationnistes couvraient aussi l’événement.

Tout comme chez les « Indignés » et avec les mêmes conséquences, l’apolitisme était revendiqué, à tel point que les ultra-libéraux d’Alternative libérale ont aussi eu tribune libre en lieu et place de Fabrice Nicolino, qui a refusé de participer à la table ronde prévue avec ce petit parti (préférer Alternative libérale à Nicolino, il faut quand même le faire, pour un mouvement qui se veut écologiste). En toute logique, plusieurs personnes présentes sur place ont exprimé leur ouverture aux représentants de mouvements d’extrême droite et même à ceux des autorités répressives de l’Etat : la cause des gaz de schiste n’étant « pas politique », il n’y a aucune raison de refuser de s’allier avec ce genre d’individus.

Abasourdie par ce qu’elle a vu en l’espace d’un week-end, l’équipe de FPP a donc éprouvé le besoin de consacrer une émission entière à son débriefing, mêlant analyses sérieuses et interviews absurdes. Un moment radiophonique comme on les aime, non dénué d’humour malgré le sérieux du sujet traité.

A écouter sur Sons en luttes (attention, le lecteur s’ouvre directement) : FPP – Retour de Lézan

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Boîte à outils : Que répondre à un-e soralien-ne ?

Quelques camarades s’emploient sur les réseaux sociaux à contrer la propagande soralienne et conspirationniste. Comme il y a beaucoup de boulot, ils sont en train d’élaborer une série de textes à poster systématiquement sous tout lien douteux. Premier exemple avec Alain Bonnet de Soral ci-dessous. Il va sans dire que nous invitons l’ensemble de nos lecteurs à faire de même.

Alain Soral, (nom complet Alain Bonnet de Soral, qu’il dissimule pour se rapprocher des classes qu’il a la prétention de représenter) est un militant d’extrême droite, proche de Le Pen qu’il a servi au FN sur son invitation.

SORAL est l’aristocrate typique d’une certaine extrême droite qui se dissimule pour assurer une autorité personnelle et sociale sur les classes populaires.

Sa démarche constitue une attaque organisée et méthodique pour lutter contre le mouvement ouvrier au profit de l’extrême droite, ceci en s’adressant a la jeunesse ouvrière du pays auprès de laquelle il organise la confusion en développant une argumentation dont l’objectif est de substituer les appartenances raciales aux appartenances de classes.

Il déclare dans une de ses vidéos récentes (http://www.dailymotion.com/video/xfn1y8_les-petites-gens-alain-soral_webcam), contre toute vérité historique, que le mouvement ouvrier n’est rien d’autre qu’une invention de la bourgeoisie juive du 19e siècle.

Son slogan résume bien l’objectif de cet individu lorsqu’il dit défendre « la gauche du travail et la droite des valeurs » : autrement dit : « Prolétaire, soit de gauche au boulot et de droite quand tu penses, soit de gauche pour produire et de droite pour t’en remettre a tes dirigeants ».

Cet individu est une illustration classique et répétitive de la décomposition de la bourgeoisie qui a besoin d’artifice pour profiter d’un pouvoir accru en situation de crise et la volonté de détruire toute les représentation des travailleurs par eux-mêmes. Elle nous invente donc des pantins dirigés par ses soins pour se faire passer pour des travailleurs quand il ne sont que des mercenaires bourgeois.

Ajoutons à cette missive ce lien qui développe la même analyse, en prenant appui sur des extraits de discours d’Alain Bonnet de Soral, et met à jour les contradictions du personnage, notamment concernant l’Islam : http://idiotsutiles.blogspot.com/

Et rappelons à ceux qui seraient séduits par son discours « viriliste » qu’en réalité Bonnet de Soral est un champion de la course à pied lorsqu’il s’agit de se confronter à ses adversaires. C’est même un de ses anciens amis, l’antisémite Olivier Mukuna, qui en témoigne, sur Agoravox : « Plus consternant : lorsque plusieurs militants de cette liste [ndlr : la liste du parti « antisioniste »], en campagne dans le XX ème arrondissement de Paris, se feront agresser par des extrémistes sionistes [ndlr : en réalité des militants antifascistes] ; qu’en première ligne ton colistier Yahia Gouasmi prendra des coups ; que Dieudonné se fera temporairement aveugler à la bombe lacrymogène, toi… tu seras à nouveau le premier à détaler ! Abandonnant tes « camarades » en péril pour revenir jouer les « héros » une fois le danger écarté. Sans doute une autre mise en pratique de la « droite des valeurs » … » (http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/lettre-ouverte-a-alain-soral-96194)

Quand Alain Bonnet de Soral tapinait pour la télé

Enfin, pour rire un peu, quelques vidéos des débuts de sa carrière médiatique :

– Dans l’émission « Drevet vend la mèche », avec Patrice Drevet (où ce cher Alain insiste pour qu’on lui donne de la particule et qu’on l’appelle « de » Soral) :

En 1989, le donneur de leçons Alain Soral, qui se la joue ex-penseur marxiste et grand ennemi du système, gloussait contre appointements en racontant des blagues débiles à la télé en compagnie de l’abruti Patrice Drevet. En 1989, il n’avait pas 20 ans comme il le prétend sur facebook, mais plus de 30, âge auquel on est déjà celui qu’on sera toujours.
Tous ses fans paumés feraient bien de réfléchir à ce que ça signifie d’avoir commencé par être un has-been…

[dailymotion id=xioqzk_quand-alain-soral-tapinait-pour-la-tele_news]

– Dans l’émission « branchée » de Thierry Ardisson « Bains de minuit », Bonnet de Soral joue les « sociologues » de la mode  :

[dailymotion id=xilhg7_alain-soral-aux-bains-douches-avec-ardisson_news]

– Le « sociologue » en grande démonstration sur FR3 en 1985 :

[dailymotion id=xjsa8d_conseils-en-look-fr3-1985_creation]

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PS :

On nous fait cette critique sur Indymedia Paris, qui apporte des précisions utiles sur les thèses d’Alain Bonnet de Soral concernant les femmes, à rajouter à notre boîte à outils :

Réaction « à chaud » au texte « Boite à outils, que répondre à un-e soralien-e« 

Alain Soral « tapine », et Alain Soral est un lâche qui fuit face à la bagarre Voilà une partie de l’argumentaire proposé par conspishorsdenosvie pour démonter la logique rouge-brune d’Alain Soral, argumentaire reposant en partie sur les propos d’Olivier Mukuna, ex-camarade d’Alain Soral, mais tout autant antisémite que le premier.

Pourtant Alain Soral, bien avant de s’illustrer dans l’antisémitisme et la promotion de théories conspirationnistes était (et est toujours) un pourfendeur de la cause féministe. Son discours en la matière se calquant parfaitement sur son discours antisémite : le monde est dominé tantôt par les femmes, tantôt par les Juifs pour en arriver en définitive à la conclusion que les Juifs utilisent le feminisme (avec la complicité des femmes) pour « déviriliser » les hommes, et ainsi mieux les dominer.

Proposer une boite à outils pour démonter le discours d’Alain Soral ou proposer de se réapproprier la boite à outils d’Alain Soral sont deux choses bien différentes.

Indymedia a mis cet article en débat avec ce motif :

Mise en débat : A notre avis, le sexisme ne nous semble pas avéré. Il y a autant des femmes que des hommes, des homos que des hétéros qui « tapinent » et même si le terme n’est pas très heureux, il est dit sur le ton de l’humour. Il nous semble également que le texte vise à désarmer le discours « viriliste » de Soral qui quoi qu’on en dise est bien présent et attire certains de ses partisans. Ensuite, tout ce que vous dites ci-dessous ne nous semble pas entrer en contradiction avec ce qu’affirme le collectif « Conspis hors de nos vies ». Nous avons validé cette remarque dans les commentaires, qui avait été modérée par erreur. Nous recevons beaucoup de spams ces temps-ci, veuillez nous excuser.

Il est bien évident que l’antiféminisme et l’homophobie sont des fonds de commerce d’Alain Bonnet de Soral, ce que nous aurions en effet dû préciser plus clairement afin de démonter son discours viriliste peut-être plus efficacement, et en tout cas de manière plus pertinente. Il est sûr également que Mukuna est antisémite, ce que nous aurions également dû préciser bien que son cas soit déjà relativement bien documenté par ailleurs. Pour le reste, Indy Paris a assez bien résumé notre intention. De même que « tapiner » ne nous semble pas sexiste en soit (surtout utilisé dans ce sens métaphorique), de même, le courage ou la lâcheté (physiques ou autres) ne sont pas à nos yeux réservés à un genre en particulier.

Enfin, nous tenons à préciser que notre démarche se situe évidemment et clairement dans une optique antisexiste et antiraciste. Nous reconnaissons cependant humblement n’être pas forcément toujours à l’abri de ce type de préjugés même en dépit de toute l’attention que nous pouvons y porter, puisque comme tout un chacun nous sommes pétri-e-s des contradictions qui traversent la société dans laquelle nous évoluons et à laquelle nous ne prétendons être ni extérieur-e-s, ni supérieur-e-s. Nous remercions nos lectrices et nos lecteurs pour l’attention critique qu’ils et elles veulent bien porter à nos écrits.

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Les « Indignés », l’apolitisme et le conspirationnisme

Nous publions ci-dessous une analyse intéressante parue sur Indymedia Paris à propos des « Indignés » et de leur manque de perspectives politiques, qui est sous tendue par la quasi-absence dans leur réflexion théorique de toute critique sociale digne de ce nom. Ce texte établit un lien avec cet « apolitisme »revendiqué et leur perméabilité aux thèses conspirationnistes : la nature ayant horreur du vide et l’ennemi capitaliste n’étant pas clairement nommé, il est normal que la lutte contre le « nouvel ordre mondial » en vienne à remplacer la lutte contre le capital, l’Etat et leurs valets.

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Depuis déjà plusieurs mois, on a vu pointer dans plusieurs pays d’Europe le mouvement dit des « indignés » ou « démocratie réelle ».

Ici comme ailleurs, celui-ci à donné lieu à plusieurs réflexes conditionnés, pièges et écueils qui touchent en général les « mouvements sociaux » : le fétichisme des pratiques d’abord (comme l’occupation de places, le sitting, les happening ou la manifestation plan-plan et maintenant la marche…) et la limitation stricte du mouvement à ces pratiques, le démocratisme ensuite (le respect religieux et le privilège donné aux décisions collectives prises en assemblées « représentatives du mouvement »), le « nihilisme citoyen » (respect borné de la loi, du vote, des « droits » donnés et des devoirs exigés par l’Etat) et la « non-violence » dogmatique (qui va jusqu’à prôner la violence policière contre ceux ou celles qui refusent ce dogme) et donc l’hégémonisme (la prise de contrôle du mouvement par une de ses franges), et surtout : l’absence de perspective révolutionnaire et l’enfermement dans des revendications abstraites et réformistes. Loin de représenter un sursaut révolutionnaire, ou une authentique révolte spontanée, ce mouvement des indignés s’inscrit bien plutôt dans la pacification de toute contestation réelle (de par le rejet de l’action directe), la militarisation de l’Etat (les guerres menées à l’étranger et le renforcement de la répression intérieure sur lesquels le silence des « indignés » est plus que suspect) et la montée du fascisme dans la société, au travers de ce mouvement notamment.

La crise comme pacification

Depuis plusieurs années déjà, les gouvernements européens, toutes tendances confondues, de gauche social-démocrate à la droite la plus réactionnaire, utilisent l’argument de la crise pour endormir tout velléité de contestation. D’un coté, il y a l’explication des gouvernements, qui est celle du FMI et de la banque mondiale : La crise serait une sorte de phénomène métaphysique que même les économistes n’arriveraient pas à s’expliquer, une sorte de catastrophe naturelle qu’il faudrait juguler et gérer à grands coups de politiques de réformes et de plans d’austérité. Comme si cette crise n’avait rien à voir avec ces mêmes politiques, comme si elle était le fait de la divine providence. Cet argumentaire vise en fait à tenter de se servir de la crise engendrée par le système capitaliste et ses Etats pour dédouaner les politiques de rigueur que cette même crise implique dans le seul but de replâtrer encore une fois le capitalisme. Les « indignés » quant à eux, dépourvus dans leur immense majorité de toute analyse de classe, et de toute critique du capitalisme, voient en général dans la crise et l’austérité le fait d’une caste de « banquiers parasites » et d’un « empire financier tentaculaire », ou « nouvel ordre mondial » qui auraient vidé les caisses quand personne ne regardait. En gros : pas besoin de se prendre la tête avec des « concepts politiques » trop compliqués : « à bas NWO » c’est tellement plus branché, tellement plus smart et ça résume tout sans avoir besoin de réfléchir…

Dans les deux cas, et du mouvement des indignés à la nouvelle extrême droite en passant par Sarkozy, tous dénoncent au final « la faillite des banques » dont le petit peuple devrait être sauvé, un « capitalisme financier » devenu fou qu’il faudrait réguler ou « purger » et une classe moyenne comme « victime de la crise ». La raison de cette analyse bancale est bien simple : la composition sociale de ce mouvement est justement celle de la sacro-sainte classe moyenne (que flatte autant Sarkozy, les socio-démocrates que les nouveaux fascistes à la Soral). Celle d’une classe qui commence à peine à percevoir les effets de « la crise », quand la majorité des exploités subissent la logique et les conditions de vie du capitalisme depuis toujours, et que la crise n’a fait qu’aggraver. D’où aussi, le décalage entre le discours « pro-révolution » des indignés concernant le monde arabe – où comme en Tunisie la pratique effective qui a dominé a été l’attaque des symboles du pouvoir, les affrontements avec la police, les pillages de supermarchés, les mutineries et incendies de prisons, et tout un ensemble de faits qui attestent une véritable logique de guerre de classes et de guérilla révolutionnaire, et toute une agitation qui, même si elle ne suffit pas à l’expliquer, a joué un rôle absolument indéniable dans la chute de plusieurs régimes et les volte-faces de l’armée ou de la police qui ont sentis le sol trembler sous leurs pieds – et le comportement de ces même « indignés » ici qui considèrent un tag ou une petite vitrine de commerce ou de banque pétée comme une « violence ».

Derrière la critique du capitalisme financier : le populisme gauchiste et l’antisémitisme.

Cette critique partielle des banques justement, non comme un rouage du système capitaliste, mais comme un « foyer de parasites » qui auraient détruit une fantasmatique « économie réelle », et qui voit les banques comme un problème central laisse la place au vieux fantasme antisémite d’un complot qui tenterait de contrôler le monde. Car en cherchant à critiquer le système des banques et le pouvoir des grandes entreprises multinationales, mais de manière partielle, le mouvement des indignés s’engouffre dans un discours typiquement réactionnaire et populiste et passe ainsi complètement à coté de la critique du capitalisme, le confortant même en jouant le rôle qu’on lui demande de jouer : celui d’une contestation strictement non-violente, vidé de toute substance critique, empêchant de par sa forme même un véritable mouvement (de type grève générale ou insurrection), et déplaçant le débat vers la droite dans le grand piège du « débat citoyen ». Rendu donc parfaitement in-offensif de par son caractère « a-politique » et « a-partisan » auto-proclamé, le mouvement des indignés participe en réalité au maintiens de l’ordre à travers un spectacle de contestation dans un front « anti-système » flou qui laisse le champs libre à des récupérations libérales, populistes et même fascistes. La dénonciation obsessionnelle du « nouvel ordre mondial » faisant finalement écho au nouveau discours d’extrême-droite sur le complot « apatride » contre « les peuples et les nations ». Et ce discours là, en plus de puer la défaite, est simplement fasciste parce que nationaliste et antisémite. Ne soyons pas dupes : là où la contestation réelle s’efface, les réactionnaires progressent.

S’INDIGNER NE SUFFIT PAS !

Ce n’est donc pas un hasard si en France, on retrouve dans les organisateurs du « mouvement des indignés » nombre d’individus conspirationnistes, reliés à des mouvements d’extrême-droite qui théorisent l’antisémitisme à travers leur pseudo-critique de la finance. Le concept même de « capitalisme financier » fut un des thèmes centraux dans la propagande du parti nazi en Allemagne et des fascismes en Europe pour construire l’ennemi intérieur et flatter le sentiment national. Le thème de la « citoyenneté » mis en avant par les indignés, renouvelle lui aussi ce constant rappel à l’ordre que constitue l’injonction à ne pas se révolter en faisant poliment démonstration de son indignation. Il repose sur ce présupposé généreux que les oppresseurs finiront par abdiquer devant la raison exprimée publiquement et pacifiquement par « le peuple ». Mais cette fable saint-simonienne exclue de fait ceux ou celles qui ne sont pas considérés, précisément, comme des citoyens : les sans-papiers, les « criminels », et quiconque agit en dehors de la légalité ou de la légitimité citoyenne. Tout les indésirables, exploités par définition. En prétendant vouloir créer une « démocratie réelle », le mouvement n’a fait que centraliser le pouvoir de décision à travers les assemblées des occupations de places et leurs émanations (comme en Espagne, les commissions dans les « accampadas »), dans l’espoir de singer les révolutions du Machrek et du Maghreb (en réutilisant, sans nécessité réelle, et de manière fétichiste les réseaux sociaux type facebook), les indignés n’ont fait que créer un état dans l’Etat, ersatz de démocratie représentative et de parlementarisme bourgeois où toute volonté de s’organiser à la base et d’agir localement ont été rendus simplement impossibles, notamment lorsqu’à Barcelone la volonté de scission dans l’occupation, pourtant majoritairement votée a été censurée par la tribune de l’assemblée, ou que tout débat sortant du cadre a été simplement saboté. Encore comme à Athènes où les indignés ont appelé à dénoncer les auteurs « d’actes violents » et à les jeter à la police : soutenant ainsi la répression d’Etat au nom de la non-violence ! En restant prisonniers d’une rhétorique a-politique creuse, de mode de prise de décisions autoritaires et bureaucratiques, d’un pacifisme abstrait et dogmatiquement non-violent, les indignés ne font que participer au maintient du statu quo, brimant toute participation de révoltés ou de révolutionnaires et ouvrant au contraire la voie à des forces réactionnaires qui n’avaient pas eu jusqu’ici voie au chapitre sur la place publique. Abandonner la perspective révolutionnaire au profit de « l’indignation en mouvement », c’est tresser la corde avec laquelle on voudrait nous pendre .

Se cantonner à cette indignation pacifiée, et focaliser sur « les banquiers » (même si ces derniers ont, comme d’autre leur responsabilité dans l’exploitation et les conditions de vie misérable de la majorité de l’humanité) c’est ne pas voir que partout dans le monde depuis le début de la « crise économique », des révoltes, des insurrections et des situations révolutionnaires éclatent partout non seulement contre les banques, mais surtout contre le capitalisme, l’Etat, les gouvernements, leurs classes dominantes et leurs flics, leurs lois, leurs tribunaux, leurs prisons, et leurs armées. C’est ne pas voir que les plans d’austérité et les « réformes de la fiscalité et du système bancaire » ne sont que les politiques des mêmes gouvernements et de la même bourgeoisie qui se prétend victime de la « crise » et en est la principale bénéficiaire, pour sauver leur économie et protéger leurs privilèges.

Il faut traduire la colère en actes ! Contre le capitalisme, contre l’Etat : VIVE LA REVOLUTION SOCIALE ! L’économie est malade ? QU’ELLE CREVE !

Quelques anarchistes

Ici le pdf du tract : http://www.fichier-pdf.fr/2011/09/17/indigness/indigness.pdf

Titre original : « L’indignation qui vient »

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PS :

Faits révélateurs :

– Le bulletin anticarcéral Résistons ensemble nous apporte dans sa dernière mouture des précisions sur les pratiques des « Indignés » parisiens : à théories réactionnaires, pratiques réactionnaires et vice-versa.

Et chez nous, en France ? Ça n’a pas plu non plus. Solidarité niveau presque zéro. Comme en 2005. Ce qui est à la mode, quand ce n’est pas les élections, c’est « l’indignation ». Le 14 juillet dernier, lors de la marche des « indignés » parisiens, la banderole portée par des jeunes des quartiers : « Quartiers populaires – crimes policiers, discrimination, chômage – ya basta ! » a vainement été priée de quitter le premier rang. Elle aurait « dénaturé » l’indignation, elle était « trop politique ». C’est quoi la politique ?

– Ce matin avait lieu à Paris une contre-manifestation pour s’opposer au commando anti-IVG de SOS-Tout-petits à l’hôpital Tenon. Un authentique sujet d’indignation, pour lequel on n’a pas vu un seul « Indigné », alors même qu’ils se réunissent à Paris tout le week-end avant de marcher vers Bruxelles. Là encore, un thème « trop politique » ?

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Etienne Chouard et ses inspirateurs d’extrême droite

Notre premier article sur Etienne Chouard a fait couler beaucoup de pixels. Le reproche nous a été fait à de multiples reprises de ne pas avoir assez étayé nos dires. Effectivement, après réexamen de son cas, nous estimons avoir été bien trop gentils avec lui. En effet, il se réfère à plusieurs reprises en des termes laudatifs à des personnages connus pour leur engagement d’extrême droite, dont un théoricien antisémite violent.

Commençons par le plus « hard » : Eustace Mullins. Cet intellectuel américain décédé l’année dernière est l’inventeur du concept de « New World Order » (« nouvel ordre mondial ») qu’il a popularisé et qui a fait florès depuis chez les tenants du conspirationnisme. C’est surtout un grand pourfendeur des Juifs, a tel point qu’il considère le nazisme comme un complot des banquiers juifs pour permettre l’avènement du sionisme, de même que la révolution française, le congrès de Vienne, la première guerre mondiale et la révolution bolchevique. En 1952 il a écrit un article intitulé « Adolf Hitler : an appreciation », dans le quel il soutient que les Etats-Unis sont redevables à Hitler. Il est également l’auteur d’un pamphlet intitulé The Secret Holocaust, dans lequel il nie l’importance de la Shoah, tout en soutenant qu’il s’agissait d’un complot juif pour tuer les non-Juifs et cacher un supposé massacre des Chrétiens par l’Union soviétique. En 1968, il récidive et écrit The Biological Jew, dans lequel il compare les Juifs à des parasites envahissant un organisme. Par la suite, Eustace Mullins a rédigé en 1987 un livre intitulé The Curse of Canaan: A Demonology of History, dans lequel il fait remonter les origines du « système oligarchique » à un complot judéo-maçonnique « satanique » dont les prémices datent de l’antique Babylone. Pour preuve de ses dires, il associe des extraits de la Bible ou du Talmud à des textes kabbalistiques ou maçonniques. Enfin, ce monsieur a collaboré avec le sénateur Paul MacCarthy dans les années 1950 dans sa chasse aux communistes et autres « déviants » [1].

Etienne Chouard ne saurait ignorer que les travaux d’Eustace Mullins sur les banques et les banquiers sont motivés par son antisémitisme, puisque pour lui les banquiers juifs, dont le clan Rothschild, sont la cause de tous les maux. Pire : pour les promouvoir, il n’hésite pas à reprendre sur son site l’avant-propos au livre de Mullins sur la Réserve fédérale, avant-propos rédigé par le conspirationniste Jean-François Goulon, gérant du site « Questions critiques ». Chouard publie également la préface signée Michel Drac, essayiste, collaborateur de Radio Courtoisie et Radio Notre-Dame, de Novopress ou de Fdesouche, conférencier au Local de Serge Ayoub et animateur du site « Scriptoblog » (dont Chouard conseille également la lecture).

A propos de Rothschild, Chouard écrit : « <théorie du complot>D’une certaine façon, le discret maître des banquiers (voir le formidable livre d’E. Mullins sur la Réserve fédérale, à lire absolument), Rothschild, a besoin de (l’amalgame stupide de) l’antisémitisme pour rester intouchable, impuni ; il a objectivement un intérêt personnel puissant à ce que l’antisémitisme soit virulent, un peu partout dans le monde. Ce besoin de l’antisémitisme-comme-armure-anti-critiques pourrait expliquer (mais alors, si c’est vrai, quel cynisme !) les montagnes d’argent mises au service de la politique (objectivement détestable) d’Israël.</théorie du complot> » En bref : une rhétorique antisémite grossière, qui consiste à inverser les valeurs et à faire des Juifs (et de la figure du Juif banquier en particulier) les responsables de l’antisémitisme. Ces phrase sont entourées de balises « théorie du complot », manière ironique de se moquer des anti-conspirationnistes qui refusent de cautionner ces thèses antisémites. Pour les sceptiques, voir la capture d’écran ci-dessous. Ils sont libres d’aller vérifier sur le site d’Etienne Chouard, sur la page consacrée à Jacques Cheminade (voir plus bas). On peut noter du même coup qu’il dénie le caractère réactionnaire d’Alex Jones, pourtant classé à l’extrême droite dans son propre pays :

On continue avec Antony Sutton, dont Etienne Chouard conseille également la lecture. Sans être antisémite, du moins pas à notre connaissance, cet intellectuel est un des principaux théoriciens conspirationnistes américains. Selon lui, l’URSS est une création de Wall Street visant à transformer la Russie, concurrent potentiel à la puissance américaine, en « marché captif et colonie technologique qui puisse être exploitée par les financiers américains haut placés et les entreprises placées sous leur contrôle ». Pour lui, tant Hitler que Roosvelt étaient aussi des créations de Wall Street visant à instituer un « socialisme corporatiste » au service des grandes entreprises. Il soutient que sans l’aide de Wall Street, il n’y aurait eu ni Hitler ni Seconde guerre mondiale, l’entreprise IG Farben productrice d’explosifs ayant bénéficié de fonds de la Standard Oil. Or, si certaines entreprises américaines, telles Ford, ont bien collaboré jusqu’à la déclaration de guerre avec le régime nazi, on ne peut en déduire qu’en leur absence, ce régime n’aurait pas pu voir le jour [2]. Cependant, aussi peu sérieuses qu’elles soient, Etienne Chouard semble trouver ces thèses pertinentes :

Ailleurs, notre blogueur invétéré conseille le visionnage d’une vidéo délirante dans laquelle on voit Alain Soral interviewer Thierry Meyssan :

Voici la façon dont Chouard qualifie Meyssan : « J’ai moi-même rencontré Thierry Meyssan (cet été) et nous avons parlé quelques heures. Je confirme que c’est un homme charmant, calme et cultivé, rigoureux dans ses analyses, très convaincant sur une série de sujets qu’il connaît parfaitement. »


On termine par Jacques Cheminade, représentant français du gourou fasciste américain Lyndon LaRouche, dont l’organisation, Solidarité et Progrès, a été épinglée pour « dérives sectaires » par la Miviludes, l’Unadfi et quelques autres et interdite sur le campus de l’université de Rennes 2 suite à des plaintes d’étudiants pour escroquerie [3]. A son propos, Etienne Chouard écrit :  « je trouve la plupart de leurs analyses et propositions très intéressantes (sans les partager toutes, bien sûr), et je suis souvent révolté par les calomnies et les injustices dont ce petit parti est victime. » Il ose même qualifier Cheminade d’« authentique sentinelle du peuple » :

On peut sûrement trouver d’autres exemples de thèses douteuses diffusées sur le site d’Etienne Chouard. Mais à elles seules, celles mentionnées ci-dessus devraient suffire à rendre plus que méfiants ceux qui sont prompts à le défendre et à voir en lui un « démocrate » exemplaire et un progressiste.

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PS :

Après Alain Bonnet de Soral, qui a réitéré son soutien à Chouard à l’occasion de ce deuxième article, c’est au tour de Michel Drac de lui apporter son soutien. Un juste renvoi d’ascenseur :


[1] Voir sa notice Wikipedia en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/Eustace_Mullins

[3] Rennes est une de leurs trois bases principales en France, avec Lyon et Paris. On trouve sur Prévensectes des témoignages sur la manière dont les adeptes sont exploités : http://www.prevensectes.com/solidarite.htm Sur son interdiction par l’université de Rennes, quelques témoignages ici : http://www.info-sectes.ch/adfi-rennes.htm Enfin, une synthèse sur ce sujet a été publiée par les étudiants en journalisme de l’IEP de Rennes l’année dernière : http://regionalesenbretagne.wordpress.com/2010/02/11/solidarite-et-progres-secte-ou-parti-politique/

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